« Perseverare diabolicum »
Il y a exactement deux semaines, je pointais ICI l’imbécillité d’un homme que jusque là je tenais pour intelligent et cultivé ; ces choses-là sont douloureuses, mais elles arrivent, et pas seulement en politique. Il s’agissait de Michel Ciment, critique de cinéma réputé et directeur de la revue « Positif ». C’est le seul en France qui a pu interviewer Stanley Kubrick quatre fois, jusque chez Kubrick lui-même, et il a publié un gros livre sur l’œuvre de ce cinéaste, dont il est en somme LE spécialiste français.
Mais Ciment m’a déçu, et pas seulement moi, en parlant d’Edward Snowden, dont j’ai dit que c’était un véritable héros, ayant fait le sacrifice (futur et probable) de sa vie, afin de dénoncer les crimes des États-Unis, et notamment l’espionnage du monde entier par des procédés relevant du piratage. Et j’ai souligné qu’Obama, ce cher prix Nobel de la Paix (sic), l’homme qui maintient le bagne de Guantanamo où des suspects sont détenus sans jugement depuis 2001, veut sa peau et le fera assassiner s’il le peut. Et je ne plaisante pas.
À l’occasion de la sortie du film Citizenfour, que je vous engage à voir, Ciment a donc proféré, au micro de France Inter et dans Le masque et la plume, une diatribe contre Snowden, lui reprochant de n’avoir trouvé de refuge qu’en Russie, chez Poutine, l’adversaire le plus acharné des États-Unis. Et il a suggéré que Snowden aurait dû se rendre à la justice de son propre pays, où il aurait été jugé selon la loi. Opinion qui mériterait quelques coups de pied au derrière, sinon les mille coups de fouet traditionnels chez le meilleur allié des États-Unis.
Or je n’ai pas été le seul à m’indigner, car l’émission où il s’exprimait a reçu une tonne de courrier le traînant dans la boue (je me suis abstenu, pour ma part, car on ne peut rien contre la bêtise, et on ne convainc pas les imbéciles). Quelques extraits de ces missives ont été lues à l’antenne, dimanche dernier, et Ciment s’est justifié très maladroitement, expliquant qu’il avait beaucoup loué le documentaire qui raconte le présent d’Ewward Snowden, mais qu’il maintenait sa thèse : le « traître » aurait dû se rendre dans son pays, ce qui implique ce à quoi chacun s’attend : son envoi au bagne, et probablement son exécution camouflée en suicide, en vertu des bonnes traditions.
Je maintiens moi aussi mon opinion : Michel Ciment est un pauvre type. Je sens que je vais faire un feu de joie avec son livre sur Kubrick. De là où il est, le cinéaste m’excusera.