La nuit des Molières
Vous avez (peut-être ?) regardé avant-hier soir la soirée des Molières, cérémonie où l’on récompense les gens et spectacles de scène. Mais comme elle passait après une pièce jouée en direct, dont je parlerai dans un autre article, et qui s’est terminée à 22 heures 35, il est possible que vous ayez renoncé. Pour ma part, je me suis contenté de télécharger cette émission le lendemain avec Captvty, et j’ai recherché le passage dont tout le monde parlait, celui du discours très déshabillé que l’auteur-acteur Sébastien Thierry a fait pour embêter Fleur Pellerin, ministre – qu’elle croit – de la Culture.
Ce discours, qui arrivait au bout d’une heure, donc en plein milieu de la soirée, durait quatre minutes et trente-huit secondes, et je l’ai mis en ligne ICI. Je n’y ai pas coupé une seule seconde, et c’est probablement, site du Parisien mis à part, la seule diffusion intégrale que vous pourrez en trouver sur Internet : le Zapping de Canal Plus n’en a presque rien gardé, le temps presse...
Vous allez me dire que, si cette prestation culturelle était faite dans le plus simple appareil, c’était normal, attendu que tout cela se passait aux Folies-Bergère. Mais, désolé de vous contredire, il y a belle lurette que cette salle n’est plus le temple de la nudité à payettes pour bourgeois en visite au Salon de l’Automobile. Je n’y suis allé qu’une fois, et c’était pour voir Arturo Brachetti, qui n’est pas à court de vêtements, loin de là : si vous connaissez la spécialité frégolienne de ce génie du transformisme unique au monde, vous comprendrez !
Pour en revenir à Sébastien Thierry, j’ajoute deux ou trois choses. La première est que je ne suis pas du genre à me « choquer » face à ce genre de provocation, et que le macaron « déconseillant » la télé aux moins de douze ans me fait l’effet habituel consécutif aux manifestations d’hypocrisie et de conformisme béat. Quant au gars, qui a quarante-cinq ans, il n’est certes pas l’homme le plus laid du théâtre français, mais enfin, ce n’est pas Justin Bieber. Outre cela, c’était surtout pour lui une façon de rappeler qu’il a écrit et joué, avec François Berléand, une pièce qui a eu son petit succès au Théâtre de la Madeleine l’année dernière, Deux hommes tout nus. Berléand y jouait les deux scènes nues, recouvert d’un drap, mais Thierry n’avait rien sur lui, il s’arrangeait simplement pour qu’on ne voit pas la partie la plus intéressante de son individu, avec les procédés habituels : ne se montrer que de dos, ou caché derrrière un meuble, voire en se servant de ses mains puisque aucune feuille de vigne n’agrémentait le décor unique de la pièce. Je m’empresse de dire que ce texte était franchement mauvais, et qu’on ne justifait à aucun moment le fait que ces deux hommes, relations d’affaires, se retrouvaient nus dans un même lit sans savoir comment ils en étaient arrivés là. L’auteur s’était rabattu sur une fumeuse histoire d’amnésie impliquant le personnage de Berléand, homosexuel ayant tout oublié – ce qui ne disait en rien pourquoi son partenaire se trouvait dans la même situation ! Médiocre théâtre de boulevard, par conséquent.
Et puis, le discours de Thierry adressé à Fleur Pellerin, bien embarrassée, feignant de trouver ça très drôle, était en réalité un sketch plutôt lourdingue : affectant de plaider en faveur d’un régime de retraite pour les auteurs dramatiques, l’acteur ne justifiait en rien, là encore, le souhait de doter les auteurs d’une retraite payée par les pouvoirs publics. Après tout, nul n’est obligé d’écrire des pièces de théâtre, et la collectivité n’a pas à payer pour cela. Dans cette profession, la plus libérale qui soit (lisez donc le texte de Coluche), si vous avez talent et succès, vous gagnez votre vie ; dans le cas contraire, on ne vous a pas forcés à la gagner de cette manière !