La prison pour Gallet ?
Ce matin, après dix-sept ou dix-huit jours de grève, France Inter semble avoir repris sa diffusion, mais ce n’est qu’une parenthèse, puisque les syndicats ont émis un autre préavis de grève, et qu’on sera fixés mardi. En attendant, la question qui reste en suspens, c’est celle-ci : le gouvernement va-t-il enfin se décider à porter plainte contre le PDG de Radio France, et, c’est le minimum, le démettre de ses fonctions ?
J’explique.
Gallet a occupé trois postes en vue, tous au service de l’État. Il a été au ministère de la Culture, d’abord comme conseiller de Christine Albanel, qui était alors ministre. Puis, lorsqu’elle a cédé la place à Frédéric Mitterrand, celui-ci, qui est complètement ébloui par ce beau jeune homme (il l’a couvert d’éloges à la radio, récemment), l’a promu directeur adjoint de son cabinet – poste très important, car les directeurs de cabinet (là, ils sont deux) a un rôle politique. Ensuite, appuyé par le même Mitterrand, il passe en 2010 à la présidence de l’Institut national de l’Audiovisuel, qui gère et commercialise les archives des radios et télévisions d’État – ou qui ont été d’État avant d’être bazardées au privé, comme Télé-Poubelle. Enfin, l’année dernière, il succède à Jean-Luc Hees à la présidence de Radio France.
Dans ces trois postes très officiels, Gallet a exigé des travaux de rénovation et de réfection uniquement destinés à lui assurer un meilleur confort personnel et davantage de prestige : réfection de bureau, ou affectation d’un nouveau bureau (avec éjection de leurs précédents occupants, abattages de cloison, parquets refaits, murs repeints, nouveaux meubles et nouvelle moquette, décoration des lieux avec des œuvres d’art, et autres amusettes).
Or, dans le domaine étatique, les travaux dont le budget dépasse un certain niveau – et Gallet semble s’être fait un point d’honneur de toujours dépasser ce niveau – sont soumis à des règles régissant l’attribution des marchés publics : le patron qui entend faire exécuter des travaux, désigné comme le « maître d’ouvrage », ne peut sélectionner les entrepreneurs qui feront le travail que selon une procédure très stricte ! Il DOIT publier un appel d’offres décrivant ce qu’il entend obtenir ; appel soit « ouvert » si tout entrepreneur peut présenter un devis, soit « restreint » s’il y a eu au préalable une sélection des entrepreneurs autorisés à participer. Les patrons des entreprises candidates doivent alors soumettre leurs propositions avant une certaine date, et surtout, ils ne doivent pas faire connaître leurs propositions à leurs concurrents, cette règle visant à les empêcher de s’entendre sur les prix demandés afin de se partager les marchés. C’est arrivé il y a quelques années avec les plus grosses entreprises de travaux publics, elles se sont fait pincer et ont écopé d’amendes importantes. Et, bien entendu, le maître d’ouvrage a l’obligation de désigner l’entreprise qui a soumis le devis le moins élevé.
Or Gallet, chaque fois qu’il a commandé des travaux, n’a pas appliqué cette règle, a choisi lui-même les entreprises qui lui plaisaient, et a réglé le prix qu’elles demandaient et qui parfois avait atteint le triple du devis initial ! Autrement dit, il a disposé à son gré de l’argent des contribuables et l’a gaspillé sans scrupule. C’est un délit. En Angleterre, en Allemagne, dans les pays scandinaves, il aurait été viré dans la journée – voir Borgen, le feuilleton suédois. Pas chez nous, où l’on se contente de faire les gros yeux aux petits chefs qui dépassent les bornes. C’est ce qu’on appelle « inciter » les gens malhonnêtes à ne plus pécher. Une merveille d’efficacité.