Panurgisme

Publié le par Yves-André Samère

Docile, je ne le suis pas et ne l’ai jamais été. Enfant, on avait toutes les peines du monde à me faire obéir à un ordre que je ne comprenais pas, et cela se terminait régulièrement par une raclée. Mon mot favori était « Pourquoi ? ». À présent, certains comportements restent encore pour moi des mystères insondables. Par exemple, pourquoi les gens font-ils la ola dans un stade ? Pourquoi les manifestants hurlent-ils le même slogan, et je dis bien le même, sur des dizaines d’années, sans y changer un mot (je ne cite pas, c’est grossier). Pourquoi le public du Grand Journal applaudit-il au doigt et à l’œil aux signaux des chauffeurs de salle, il a peur qu’on lui fasse les gros yeux ? Pourquoi les joueurs de football français chantent-ils La Marseillaise en se plaquant la main sur la poitrine ?  Pourquoi les mécontents votent-ils pour le Front National ?

Il y a quelques années, je me trouvais au premier rang d’orchestre de l’Olympia. J’aimais bien l’artiste qui se produisait ce soir-là (ben oui, sinon, qu’est-ce que j’aurais fichu là ?). Je l’aimais bien, mais pas au point d’exécuter ses ordres, le petit doigt sur la couture du pantalon. Or, vers le milieu de son numéro, l’artiste en question a prié le public de se lever et d’applaudir son pianiste – ils font tous ça. J’aurais volontiers applaudi le pianiste ou n’importe quel autre pianiste, si on ne me l’avait pas demandé, mais là, non. La salle entière s’est levée, et tous les spectateurs ont tapé dans leurs mains. Mais, bien que la soirée ait été filmée par France 2, et que mon siège était l’un des plus en vue des caméras, je suis resté assis et n’ai pas applaudi. Imaginez : deux mille spectateurs debout, et un qui ne bouge pas.

Pourquoi je vous raconte ça ? Pour me vanter ? Pas du tout. C’est parce que les comportements moutonniers, je les ai en horreur. Nous avons appris ce soir que des malheureux, qui s’étaient embarqués par centaines sur un bateau, ayant fui la Libye pour tenter de rallier l’Italie, se sont noyés : apercevant un navire italien, ils s’étaient TOUS portés du même côté de leur embarcation, laquelle, déséquilibrée, a chaviré. Or la plupart de ces pauvres gens ne savaient pas nager. S’ils n’avaient pas eu, tous en même temps, le même comportement, ils seraient encore vivants.

Le panurgisme, ça tue aussi.

Publié dans Mœurs, Absurdités, Curiosités

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