Un acteur n’est pas un réalisateur
Comme les scrupules ne m’étouffent pas plus qu’ils étouffent ce petit foutriquet de Mathieu Gallet, si cette notule est démentie par les faits ce soir, je l’effacerai, car je suis un adepte de la censure a posteriori, apprise en lisant 1984. Ou, au mieux, je la modifierai pour en faire disparaître ce début qui m’aura ridiculisé.
Donc, je parie un dîner avec moi-même (des spaghetti de préférence) que ce soir, au Grand Journal, le principal invité sera Ryan Gosling. Je n’ai aucune information là-dessus, sinon ceci : après-demain, le film Lost river, qu’il a réalisé, va sortir à Paris, et il le présentera sous les hurlements d’enthousiasme du public, en compagnie de Reda Kateb qui a un petit rôle dans cette pellicule, demain soir à l’UGC des Halles, aux deux dernières séances de la journée. Je mise sur ce soir puisque, demain, il ne pourra donc pas être à Canal Plus.
Je n’y serai pas non plus, à l’UGC, puisque je n’ai pas le culte du vedettariat et que des vedettes de cinéma, j’en croise tous les jours dans les rues de Paris, donc cela ne m’épate pas. Et puis, les derniers films de Gosling acteur ne valant pas un clou, je préfèrerais me déranger pour Suzy Delair, ou pour Jean-Paul Belmondo s’il n’était pas mort.
Ce que je veux dire, en fait, c’est que j’en ai ma claque, pour parler élégamment, de ces acteurs qui se croient capables, sous le prétexte qu’ils sont bankables – comme on dit en bon français –, de réaliser des films. La plupart de ceux qui se sont risqués dans la carrière se sont vautrés lamentablement, pour la raison assez évidente qu’un acteur est fait pour obéir à un metteur en scène, pas pour diriger un film, ce qui est un travail de général en chef. Combien se sont ridiculisés, à vouloir ainsi changer de casquette ! Robert De Niro, en 1993 ; Marlon Brando, en 1961 ; Jean-Louis Trintignant, deux fois à partir de 1977 ; Paul Newman, en 1972 et les années suivantes ; Sean Penn, en 1995 ; Jean-François Stévenin, en 1985 ; John Malkovich, en 2002 ; Robert Redford, dix fois à partir de 1980 ; pour ne rien dire de Jeanne Moreau, deux fois ; de Mathieu Amalric, avec son deuxième film ; de Sandrine Bonnaire, de Fanny Ardant, de Jalil Lespert, de Hiam Abbass, de Niels Arestrup, d’Yvan Attal, d’Édouard Baer, d’Antonio Banderas, de Richard Bohringer, de Bernard Campan, de Mathieu Demy, de Johnny Depp, de Judith Godrèche, de Philip Seymour Hoffman, d’Anjelica Huston, d’Angelina Jolie, de Scarlett Johansson, de Joseph Gordon-Levitt, de Jack Nicholson, de Michel Piccoli. Ni des épouvantables films de Serge Gainsbourg ! Je vous épargne la liste complète, bien que je puisse la reconstituer en cherchant un peu, mais je vous ennuierais ; quant à votre écran, il serait trop petit.
Notez que l’inverse est également vrai : quand un réalisateur de cinéma veut jouer dans un film, il se ridiculise aussi. François Truffaut était tangent dans le film de Spielberg Rencontres du troisième type, et voyez Jean Renoir dans son propre film La règle du jeu !
En fait, je ne connais guère qu’une réussite, La nuit du chasseur, de l’acteur britannique Charles Laughton. Tous les cinéphiles tiennent pour un chef-d’œuvre ce film de 1955. Et Laughton n’en a pas fait d’autre...
Bref, un cumul réussi, c’est rarissime.