Homophobie larvée du « Canard »

Publié le par Yves-André Samère

Question d’époque sans doute, « Le Canard enchaîné » a longtemps pratiqué une homophobie larvée, certains de ses rédacteurs étant ouvertement hostiles aux homosexuels : Dominique Durand et Pierre Châtelain-Tailhade (ils sont morts tous les deux), sans compter ceux qui ne signaient pas, en page 2 par exemple. La méthode était particulièrement hypocrite : on prétend ne jamais parler de la vie privée des gens, mais on le fait quand même. Le second avait écrit, sous un pseudonyme, qu’un couple de lesbiennes, il trouvait cela excitant, mais qu’il détestait « les pédés ».

Deux variantes : ou bien on prétend rapporter ce que dit quelqu’un d’autre, et c’est ainsi que Durand a qualifié de « princesse » le prince Albert de Monaco, sous couvert de rapporter « une histoire qu’on raconte dans les rues de la Principauté » ; ou bien on y va carrément, en ajoutant à la fin « Mais tout cela ne nous regarde pas » (comme dans le sketch des Inconnus).

Quelques victimes de ces procédés hypocrites :

- Alain Delon : au temps de l’affaire Markovic (le garde du corps de Delon, dont on avait trouvé le cadavre, dans un fossé, enveloppé dans une housse de matelas), Delon avait été interrogé par le juge Sablayrolles, de Versailles, et avait dû convenir qu’il avait fait des parties à trois avec sa femme Nathalie et ledit Markovic. « Le Canard » s’était procuré le procès-verbal de l’audition et avait publié les passages croustillants. Delon avait voulu porter plainte, mais son avocat le lui avait déconseillé, parce que le document, même volé, était authentique, et l’acteur avait renoncé.

- le député Rives-Henry, compromis dans une escroquerie dite de « La Garantie Foncière » : dans sa page 2 consacrée aux échos, le journal avait conclu son entrefilet par « On dit qu’il n’aime pas les dames », suivi du classique « Mais tout cela ne nous regarde pas ».

- José Artur : le chroniqueur de télévision, Pierre Châtelain-Tailhade, avait écrit de lui « Ce garçon, soit dit sans vouloir le désobliger ». Artur, dans son émission sur France Inter, avait rapporté le fait à un autre journaliste du « Canard », Roland Bacri, qui avait reconnu que son collègue était « une ordure ». Il ne risquait pas les représailles, Châtelain-Tailhade, vivant à Bruxelles (91 avenue de la Liberté, si ça vous intéresse, et ne me demandez pas comment je le sais), ne venait jamais à Paris.

- Jean-Claude Brialy : le même chroniqueur de télé, rapportant une scène vue sur le petit écran où Marie Laforêt était assise sur les genoux de Brialy, avait écrit qu’elle « ne risquait pas grand-chose ». À cette époque, Brialy n’était pas sorti du placard, car il voulait ménager ses parents, qui vivaient encore.

Ces procédés déplorables ont cessé à l’époque où « Le Canard » a engagé, comme spécialiste de l’opéra, Pierre Combescot, un écrivain notoirement homosexuel et lauréat du prix Goncourt – qui d’ailleurs n’y écrit plus depuis que cette rubrique a été supprimée. On croyait cette époque révolue, mais non, un rédacteur que je pensais civilisé a remis ça cette semaine. Il s’agit de Christophe Nobili, qui enquête souvent sur les radios et télévisions. Signant pour la première fois l’éditorial de la page 1, et rapportant le fait que Le Pen a feint de souhaiter que sa fille épouse Florian Philippot, qui a reconnu être homosexuel (le 14 décembre 2014), Nobili cite un propos de Roger Holeindre, ami de Le Pen : « Pour un mec comme moi qui a fait l’Algérie, être représenté par un pédé gaulliste, c’est quand même un peu gros... ».

Nobili a parfois été mieux inspiré, puisque c’est dans un article de lui que « Le Canard » a, pour la toute première fois, parlé de Didier Porte, le 19 avril 2006, après une conversation au téléphone où je lui avais révélé une censure exigée par Jean-Pierre Pernaut sur l’émission Le Fou du Roi enregistrée le 11.

Christophe, t’as pas honte ?

Publié dans Mœurs, Curiosités, Journaux

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