Triste découverte
Hier soir, j’ai découvert que je souffrais d’une grave déficience mentale, et cette découverte m’a stupéfié (pas « stupéfait », hein ? On n’est pas sur France Inter, ici). En effet, j’aurais dû m’apercevoir plus tôt de cette tare. Expliquons, histoire de faire un peu avancer les sciences humaines – ou le schmilblic, si vous préférez.
En général, dans la plupart des domaines qui m’importent, mes goûts et mes opinions sont déjà formés, et demeurent assez stables. En clair, je sais ce que j’aime et ce que je n’aime pas, et le temps ne fait rien l’affaire. J’aime Chopin mais pas Debussy ; j’aime Agatha Christie mais pas Charles Exbrayat ; j’aime Queen mais pas le rap ; j’aime Friends mais pas Game of thrones ; j’aime Jospin mais pas Hollande ; j’aime Hitchcock mais pas Scorsese ; j’aime Jerry Lewis mais pas Dany Boon ; j’aime François Morel mais pas Bigard ; j’aime Olivier Gourmet mais pas Pierre Arditi ; j’aime Maggie Smith mais pas Marion Cotillard ; j’aime les tomates mais pas les oignons (cuits, je précise) ; j’aime Nantes mais pas Rennes ; j’aime Dickens mais pas Flaubert ; j’aime Copenhague mais pas Bruxelles ; j’aime le PC mais pas le Mac ; j’aime Stéphane Bern mais pas Frédéric Lopez ; j’aime les Halles mais pas les Champs-Élysées ; j’aime Robert Hirsch mais pas Fabrice Luchini ; j’aime Fred Astaire mais pas Michael Jackson ; j’aime les films de Steven Spielberg mais pas ceux de George Lukas ; j’aime le piano mais pas le violon ; j’aime le printemps mais pas l’hiver ; j’aime le bordeaux mais pas le champagne ; j’aime lire mais pas chanter ; j’aime les CD mais pas les vinyles ; j’aime Paris mais pas la banlieue ; j’aime les spaghettis mais pas le foie gras ; j’aime le bus et le train mais pas le métro ni l’avion ; et je vous épargne la suite, parce que votre écran serait trop petit.
Or, hier soir, j’ai découvert (les cons disent « J’ai réalisé ») que je n’aimais pas quelque chose que je croyais aimer : les films des frères Dardenne. On passait leur Rosetta sur Arte, le film a eu la Palme d’or à Cannes en 1999 ainsi que le prix du jury, et son interprète Émilie Dequenne, qui avait dix-sept ans, a décroché le prix d’interprétation féminine, ce qui lui a ouvert une carrière fructueuse que d’ailleurs elle mérite. Or j’ai abandonné le visionnage du film au bout de dix minutes. Pourquoi ? Parce que, tous comptes faits, je déteste les films où une caméra portée, gigotant dans tous les sens, suit les moindres gestes d’un personnage hystérique, qui hurle, frappe, se roule par terre et ne se calme jamais. À la lettre, je ne supporte pas la vision, même sur un écran, des gens qui font du tapage, haïssent le monde entier et veulent tout casser. Voilà, entre autres, pourquoi j’ai résolu de ne plus jamais voir un film de Xavier Dolan, et pourquoi je n’ai aucun mal à tenir cette résolution.
Les bons films, ceux de la grande période hollywoodienne, ne montraient aucune violence à l’écran. Lorsqu’ils parlaient d’actes violents, cela se passait toujours en dehors du champ de la caméra. Voyez par exemple Le faucon maltais, peu après le début : un type en tue un autre, en l’abattant d’une balle. Or on le voit tirer, mais on ne voit ni la victime ni le résultat produit par le meurtre. Les horreurs sont apparues, en gros avec The wild bunch de Sam Peckinpah, en 1969, lorsqu’on a voulu faire du spectacle avec la mort. Avec les excès stupides qu’on affectionne désormais : un homme atteint d’une balle fait une saut de trois mètres en l’air et retombe en cassant tout. Non seulement c’est idiot, mais contraire aux lois de la physique, qui justifie qu’à la vitesse où elle voyage, une balle perfore ce qu’elle heurte, mais ne l’ébranle pas d’un millimètre. Faites l’expérience, ou lisez ICI, au détour d’une critique de film, ce que j’en avais écrit naguère.