Une erreur chez Marivaux
Je l’avoue, j’ai un vice. Non, je ne regarde pas par les trous de serrure. Mon vice consiste en ce que j’aime bien dénicher des erreurs chez les grands auteurs, erreurs que personne apparemment n’a relevées. Je vous ai peut-être parlé de cette horrible faute de français, commise par Voltaire dans Candide. Mais n’insistons pas.
Vous connaissez bien entendu Le jeu de l’amour et du hasard, de Marivaux. J’aime beaucoup cette pièce, surtout quand le metteur en scène ne veut pas faire le malin en faisant jouer les acteurs sur un plan incliné, comme je l’ai vu naguère à la télévision ! Le téléspectateur se demandait sans cesse à quel moment Dorante ou Sylvia allaient glisser et se casser la figure, ce qui enrichissait beaucoup l’action, un peu dénuée de suspense, faut convenir. Mais vous connaissez l’histoire : deux domestiques, Lisette et Arlequin, se faisaient passer pour leurs maîtres afin d’éprouver la constance de l’amour de ces deux personnages, destinés à être mariés mais qui ne se connaissaient pas encore (on se croirait en Arabie Saoudite). Or chacun, de part et d’autre, tombait amoureux de son vis-à-vis, en croyant avoir affaire à quelqu’un qui n’était pas de sa classe sociale, un thème que Marivaux a exploité souvent.
Or, à la scène 6 de l’acte 3, Lisette appelle Arlequin par son nom (« Touche-là, Arlequin... »), alors que rien ne lui a appris l’identité du valet : il vient précisément de se dérober quand elle lui a demandé « Achevez donc : quel est votre nom ? », car il craignait qu’Arlequin rimât vraiment trop avec coquin. Donc il ne le lui a pas dit !
Et voilà comment un auteur illustre s’emmêle les pinceaux dans son propre dialogue !
La prochaine fois, je vous révèlerai comment Hollande s’est emmêlé les siens en disant que son ennemi, c’était la finance.