Jehanne la Pucelle, sur France 3

Publié le par Yves-André Samère

L’émission d’hier soir sur France 2, consacrée à Jeanne la Pucelle, comportait un mélange de bévues et de notations exactes. Cela n’a donc pas été tout à fait le festival de clichés auquel on pouvait s’attendre.

Commençons par le pire : on a commis l’erreur habituelle de confondre les termes vierge et pucelle. Je ne sais pas, moi, si Jeanne est restée vierge tout au long de sa carrière militaire, mais il est certain que son surnom de « Pucelle d’Orléans » – qu’elle portait avant de délivrer la ville d’Orléans et a permis à certains d’affirmer qu’elle le devait au fait d’être la demi-sœur du roi Charles VII, donc de la famille d’Orléans – n’avait rien à voir avec une quelconque et hypothétique virginité. Mais comme cette nuance est tombée dans l’oubli, on a vite fait de confondre. Autre erreur historique, radoter, comme le font tous les pseudo-historiens qui se répandent dans les médias, que Jeanne (ou plutôt Jehanne, comme on écrivait à l’époque) était âgée de seize ou dix-sept ans quand elle a entrepris d’exécuter les vœux qu’elle avait cru entendre, émis par deux saintes... qui n’ont jamais existé (ce n’est pas moi qui le dis, mais le pape Paul VI), et qu’elle été brûlée sur le bûcher de Rouen à dix-neuf ans, c’est ignorer, volontairement ou non je l’ignore, le fait suivant : avant de se rendre à Chinon pour y rencontrer le roi, elle avait été fiancée ; or elle avait rompu, et son ex-fiancé l’avait assignée devant le tribunal de Reims pour rupture de promesse de mariage. Mais on sait qu’à Reims, il était impossible, légalement, de paraître devant un tribunal avant l’âge de vingt ans ! Donc, un an ou deux avant son aventure guerrière, Jeanne était au moins âgée de vingt ans. Du reste, lors de son procès, elle-même affirma ne pas savoir quand elle était née, ce qui est conforme aux conditions de l’époque, où nul ne se préocupait de ce genre de détail. Par conséquent, les commémorations qu’on a faites en France en 2012 pour fêter le six-centième anniversaire de sa naissance n’étaient que des bouffonneries opportunistes, à forte tendance politicienne.

Du côté positif, personne n’a cautionné l’erreur courante selon laquelle Jehanne aurait été une humble bergère qui gardait les moutons, ce qu’elle a démenti au cours de son procès, et on a rappelé que son père, Jacques d’Arc, et sa mère, Isabelle Romée (qui tenait ce nom du fait d’avoir voyagé à Rome, et quelle paysanne aurait fait un tel voyage ?), étaient assez aisés pour occuper la plus grande maison du village, construite en pierre – une rareté. Le père était d’ailleurs le bourgmestre de Domrémy, c’est-à-dire le maire, ce qu’on a omis de dire. Par ailleurs, on a confirmé que la fameuse anecdote de Jeanne « reconnaissant le roi » parmi une foule de ses courtisans était une fable tout juste bonne pour les enfants du catéchisme, car elle avait été conduite directement dans la chambre du roi, qui l’avait reçue seule : il n’était donc pas sorcier de le « reconnaître » ! Enfin, on n’a pas passé sous silence l’épisode de la fausse Jeanne, survenu après sa mort, la fameuse Jehanne des Armoises, que les frères de la vraie « reconnurent » eux aussi, escrocs qu’ils étaient ! Affaire obscure, et qui mérite un livre entier, voire plusieurs...

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