Décors « en carton-pâte » ? Non !

Publié le par Yves-André Samère

J’ai toujours pensé que, pour être critique de quoi que ce soit, il fallait au moins avoir étudié le domaine dont on parle. Ainsi, je trouve assez bizarre (et outrecuidant) que pour être critique de cinéma, par exemple sur France Inter dans Le masque et la plume, on n’ait pas, au minimum, un peu fréquenté les studios, ou pris des cours de cinéma, ou lu quelques livres de technique, et appris à fuir les clichés fondés sur de prétendues connaissances ne reposant sur rien d’autre que des préjugés dignes du Café du Commerce.

Dans l’émission dont je parle, le plus prétentieux, le plus ignare et le plus imbécile est le producteur-présentateur, Jérôme Garcin, qui prétend sans arrêt que « ses » acolytes ont la parole libre et que lui n’est pas là pour faire de la critique, alors que, d’une part, il donne son avis sur tous les films en les présentant (vérifiez en écoutant l’émission), et qu’il ne se gêne jamais pour les descendre en flammes lorsqu’ils ont le malheur de ne pas lui plaire. Et lorsqu’il s’agit d’un film reconstituant une époque ou un lieu et qu’il déteste le réalisateur (par exemple Steven Spielberg, dont il n’a jamais appris à prononcer le nom correctement), il ne manque jamais de dire que les décors en sont faits « de carton-pâte » – par exemple Le pont des espions, où l’on assiste à la construction du Mur de Berlin. Il s’agit pour lui de souligner que tout cela est de la camelote, du toc, du produit bon marché. Mais qui veut tuer son chien...

Garcin et ses émules n’y connaissent rien. Il y a plus de cinquante ans qu’on a cessé d’utiliser le carton-pâte au cinéma. Par exemple, pour Notre-Dame de Paris, le film de Jean Delannoy avec Gina Lollobrigida et Anthony Quinn, il y avait encore des décors en carton-pâte, mais c’était en... 1956 ! C’est que le carton-pâte a beaucoup de défauts : il est long à fabriquer, car, si on veut une matière dépassant trois millimètres d’épaisseur, il faut accumuler plusieurs couches de papier mouillé, et attendre vingt-quatre heures entre deux couches, or on est toujours pressé, au cinéma. De plus, gonflé d’eau, le résultat se contracte en séchant. Il s’ensuit qu’au cinéma, on ne l’utilise pas. Les décors sont donc fabriqués en plâtre et en bois pour les éléments solides ou massifs, comme les murs ; en polystyrène pour les éléments à déplacer facilement car le matériau est léger ; et en contreplaqué ou en toile pour les cloisons. Le carton-pâte reste employé au théâtre pour fabriquer, par exemple, les marionnettes ou les éléments d’un repas (ah, le poulet en carton ! un grand classique).

Mais les critiques ringards préfèrent employer les clichés que tout le monde reconnaît, c’est plus facile que de prendre la peine de se renseigner sérieusement (je précise que je n’invente rien, et que j’ai réellement suivi des cours de cinéma).

Pour en revenir au film Le pont des espions, la séquence de la construction du Mur de Berlin a été filmée en Pologne, à Wrocław, parce que cette ville ressemble beaucoup à Berlin-Est en 1961, à cause de son délabrement économique. D’ailleurs, pourquoi se fatiguerait-on de nos jours à construire des décors, parfois immenses, en carton-pâte, alors que les images de synthèse, fabriquées en numérique, permettent de tout visualiser en ne quittant pas les studios ?

Publié dans Bobards, Cinéma, Radio

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