Le travail, c’est la santé
Vous êtes à la tête d’une industrie qui présente un danger pour vos employés : pollution, risques d’accidents causés par les machines, ou tout autre source d’ennuis ? Vous savez que vous risquez un procès de la part de vos esclaves, une grève, voire un simple retrait (reconnu par la loi, qui autorise un travailleur s’estimant en danger imminent et grave – il faut ces deux conditions – à quitter son poste) ? Ne vous affolez pas, je vous donne la solution, qui est d’ailleurs bien connue et très employée : sous-traitez !
En effet, la loi, toujours elle, précise qu’en cas de maladie, blessure ou tout autre accident, le seul responsable et le seul obligé d’indemniser la victime, c’est le dernier employeur, celui qui lui verse son salaire – donc, pas vous qui avez passé la commande. C’est très pratique. Supposez un instant que votre entreprise vende des objets en verre, vitres, bouteilles, petits pots pour nourrissons, etc. Si vous-même fabriquez ce verre, qui exige la manipulation de produits dangereux tel que l’arsenic, ou l’exposition à des fumées polluantes et toxiques, vous aurez des ennuis un jour ou l’autre. Confiez plutôt ce travail à une entreprise, de préférence petite et pas trop proche géographiquement, et laissez-la se débrouiller. Vous êtes désormais totalement à l’abri, car irresponsable, aux yeux de la loi, de tout ce qui peut arriver !
Autre détail pittoresque : il n’existe en France qu’une seule entreprise qui est au courant de TOUS les accidents de santé causés par le travail, et c’est... la Sécurité sociale ! Elle connaît les faits, les noms, les lieux, les dates, tout, et les conserve dans ses fichiers. Par conséquent, avec toutes ces informations, elle pourrait faire de la prévention, par exemple en avertissant l’inspection du travail, qui est à même d’intervenir partout où le travail est dangereux. Eh bien non, elle n’en a pas le droit, elle doit garder pour elle tous ces renseignements ; car, si elle les communiquait à qui que ce soit, elle se ferait taper sur les doigts par la Commission Nationale Informatique et Libertés, qui ne se contente pas de protéger vos droits, chers citoyens, elle protège aussi l’industrie. Et révéler ce genre de secret industriel (si-si !), c’est mettre nos chères usines en danger de perdre de l’argent. Donc, ça va continuer ad perpetuam. À moins qu’un gouvernement de gauche arrive un jour au pouvoir.
Le monde est vraiment bien fait. En France, en tout cas.