Logique et vraisemblance
Aujourd’hui, cours de philosophie. Thème : logique et vraisemblance.
Voilà bien deux notions qui n’ont pas la même signification. Et les meilleurs artistes ne sont pas tombés dans le piège. Le plus bel exemple qui me vient à l’esprit, c’est Lewis Carroll, l’auteur d’Alice in Wonderland. Il était, non seulement écrivain, mais aussi photographe, diacre et professeur de mathématiques. Or, si ses livres de fiction, qui s’assoient sur la vraisemblance, atteignent le summum de la fantaisie, il a aussi écrit, entre autres et en 1886 (ça, c’est un zeugma !), The game of logic, en français Logique sans peine, que j’ai lu avec passion, et qui vous apprendra, sans jamais vous ennuyer, à résoudre les syllogismes.
Le cinéma, lui, fourmille d’exemples dans lesquels la vraisemblance est piétinée. Vous pensez que c’est vraisemblable, une comédie musicale ? Si oui, expliquez-moi comment Fred Astaire, dans Mariage royal, tout heureux d’avoir rencontré la femme de sa vie, peut danser sur les murs et au plafond de sa chambre d’hôtel ! Or, d’un point de vue sentimental, c’est parfaitement logique.
Hitchcock, lui, se préoccupait beaucoup de la logique narrative, il avait le souci de rendre ses histoires parfaitement compréhensibles, et c’était le maître de la clarté : jamais le spectateur ne se dit « Je ne comprends rien à cette histoire ». Or il se fichait de la vraisemblance, et il s’en vantait. Prenez son film Vertigo, qui, durant des dizaines d’années, a été considéré comme le meilleur film de tous les temps. Or son histoire est totalement invraisemblable, en particulier sur le plan psychologique ! Comment, en effet, la complice de l’assassin a-t-elle pu jouer le rôle d’une femme élégante et raffinée, puis, le meurtre accompli, redevenir cette fille vulgaire, mal habillée et mal coiffée ? Aucune femme ne serait revenue en arrière !