Richard Matheson
Commençons par le commencement. Richard Matheson est mort. Le 23 juin 2013, en Californie où il s’était installé, car il était devenu, entre autres, l’auteur le plus prolifique et le plus talentueux qu’Hollywood a connu. Mais il venait de l’Est des États-Unis, du New Jersey, où il est né le 20 février 1926. Bien, tout cela, vous l’auriez appris ailleurs qu’ici, donc je laisse tomber les détails biographiques.
Il y a deux mois, je vous avais promis de mettre en ligne la courte nouvelle qui l’a rendu célèbre du jour au lendemain, en 1950, alors qu’il n’avait que vingt-quatre ans – il l’avait écrite l’année précédente. Elle s’intitulait Born of a man and woman, elle n’occupe même pas quatre pages dans un livre de poche, et elle est fracassante. Parue d’abord dans « The magazine of fantasy house » à l’été 1950, puis reparue en 1977, elle a été traduite deux fois en français, la première fois par Alain Dorémieux, sous le titre Journal d’un monstre, dans la revue « Fiction » (numéro 25 de décembre 1955), titre repris dans une réédition de 1990, aux Presses Pocket, version que je n’ai pas lue. Puis une seconde fois, par Jacques Chambon, sous le titre correctement traduit, Né de l’Homme et de la Femme, pour le premier des trois volumes de 104 nouvelles – il en manque sept, dont une écrite avec son fils Richard Christian Matheson –, publiés par les Éditions J’ai lu. Si j’étais immodeste, je dirais que l’adjectif seconde que je viens d’employer est inadéquat, puisqu’il y a eu une troisième traduction, la mienne, que vous pouvez lire à présent. Mais vous me connaissez, je suis réputé pour ma modestie.
D’ici, je vous entends : mais qu’est-ce qui t’a pris, bille de clown, de jouer les traducteurs, surtout sans être payé ? Eh bien, c’est très simple, la dernière traduction était très bonne, mais quelques détails m’ont fait tiquer, donc j’ai voulu y remédier ; de sorte que désormais, je ne lirai plus que MA version ! (Quand je vous disais que j’étais modeste...)
Ce quelques détails sont peu nombreux. Le premier figure dans la première phrase, « Aujourd’hui maman m’a appelé monstre ». Non, le texte original est beaucoup plus violent, il dit “This day when it had light mother called me retch”. Or retch ne signifie pas du tout monstre, mais haut-le-cœur. Et comme on ne peut pas traiter quelqu’un de « haut-le-cœur », j’ai choisi de traduire par « vomissure ». Également, le narrateur ne dit jamais Mom ni Dad, mais mother et father – sans majuscules. J’ai donc préféré « mère », comme dans Psychose, et « père ». Ben oui, je ne suis ni Michel Drucker ni Nagui...
C’est suffisant, quoique je pourrais parler de Matheson pendant des heures. De toute façon, vous connaissez beaucoup de films dont il a écrit le scénario : le Duel qui a fait connaître Spielberg, téléfilm qui a eu tant de succès qu’on l’a rallongé de quelques minutes pour l’exploiter au cinéma ; L’homme qui rétrécit, un chef-d’œuvre de Jack Arnold, dont Matheson a refait le scénario pour reconstituer la chronologie, absente de son roman initial ; Je suis une légende, qui a été adapté trois fois au cinéma ; et plus de quatre-vingts succès à l’écran grand ou petit, puisqu’il fut un des piliers de La quatrième dimension, illustrissime série télévisée – The twilight zone en version originale, à voir absolument.
Si vous ne connaissiez pas Né d’un homme et d’une femme, vous avez de la chance, vous allez découvrir une narration à la première personne, par un personnage qui n’est donc jamais décrit, et qui ne se révèle que par les pauvres mots qu’il utilise. C’est poignant. Exceptionnellement, ce texte sans la moindre virgule est un peu long pour un site Internet. Mais je n’ai pas voulu le tronçonner, bien que le troisième chapitre ne se compose que de huit courtes phrases.