Allocation d’avant-élection
Mes chers compatriotes,
Comme vous vous en doutiez, je suis candidat à la prochaine élection présidentielle. Mais, si je compte bien être réélu, ce ne sera pas pour vous avoir fait des promesses que je me sais incapable de tenir. Comme le dit la sagesse populaire, À l’impossible nul n’est tenu. Par conséquent, je ne vous redirai pas que mon ennemi c’est la finance, ou, suprême mensonge, que le chômage va diminuer.
Bien au contraire, ce que je vous promets aujourd’hui, non seulement sera facilement réalisable, mais le changement que je prévois permettra de faire quelques économies, en temps et en argent. Et je résume le tout en une seule formule : mon ennemi, c’est la communication !
On voit, depuis trop longtemps, que les hommes politiques soignent leur image au détriment de leur action ; fréquentent les journalistes devenus de simples instruments – ultra-connivents – de propagande ; accumulent autour d’eux des « conseillers en communication » dont vous payez le salaire et qui les égarent ; et perdent un temps considérable dans des cérémonies où jamais le peuple n’est convié, il n’est invité qu’à régler l’addition.
En conséquence, si je suis élu, mon premier geste sera de fermer la salle de presse de la Présidence et de congédier tous les employés ayant un rapport avec les médias. Tous les membres du gouvernement, à commencer par le Premier ministre, auront la même obligation. Plus aucun journaliste ne sera reçu dans les lieux officiels, ni, à plus forte raison, ne sera invité dans les voyages présidentiels ou ministériels, quel que sera le moyen de transport. Plus aucun ministre ne sera autorisé à se rendre dans les émissions de radio et de télévision, et le moindre manquement à cette consigne vaudra au contrevenant un renvoi immédiat. Le compte-rendu du conseil des ministres sera fait par un porte-parole qui changera chaque fois que nécessaire, et jamais par un ministre, car les membres du gouvernement ont autre chose à faire.
Je supprimerai l’habituelle et ruineuse garden party du 14 juillet, et ne ferai plus de conférence de presse. Chacun sait qu’en France, ces cérémonies sont abondamment truquées, les questions rédigées à l’avance par l’équipe de communicants du conférencier, qui va même jusqu’à choisir le journaliste chargé de poser la question. Ce trucage honteux ne date pas d’aujourd’hui, il avait été inventé par Charles De Gaulle, qui en usait abondamment.
Autre changement, qui vous surprendra, et peut-être vous scandalisera : je supprime les allocutions du 31 décembre, ces vœux hypocrites auxquels on feint de croire, et qui jamais, de mémoire d’homme, ne se sont réalisés. Dans le même esprit, toutes les cérémonies de présentation des vœux, qui dévorent la plus grande part du mois de janvier – nous avions déjà le mois de mai, notoirement sinistré – et coûtent des fortunes, seront désormais, non seulement supprimées, mais interdites : plus aucun personnage officiel ne devra s’y prêter. Laissons ces mascarades aux entrepreneurs de spectacle, la République a autre chose à faire.
Comme je vous le disais en commençant, cette réforme permettra des économies qui ne sont pas négligeables, et le temps épargné sera mieux employé.
Mes chers compatriotes, je vous souhaite le meilleur, et m’efforcerai de vous le donner.