« Candidater » ?

Publié le par Yves-André Samère

En 2004, Bernard Pivot publiait 100 mots à sauver. En 2008, c’était 100 expressions à sauver. De son côté, en 2009, Jean-Loup Chiflet publiait 99 mots et expressions à foutre à la poubelle, plus radical. Eh bien, je vous le dis, Chiflet aurait pu faire un effort pour égaler Pivot ! Il n’avait qu’un mot à rajouter dans sa liste, et je lui suggèrerais bien candidater.

Ce matin, dans sa revue de presse sur France Inter, Frédéric Pommier, qui a pourtant un soupçon de culture et a écrit trois livres sur le langage médiatique, les expressions politiques et les tics journalistiques, a dit que Valls songeait à « candidater » en se présentant à l’élection présidentielle de l’année prochaine. Ce faisant, il tombait dans le travers qu’il y dénonçait, ce qui est toujours réjouissant pour les témoins goguenards comme votre (très humble) serviteur.

Elle est redoutable, cette manie de fabriquer des verbes à partir de noms courants : on y ajoute un préfixe, et hop, on a un verbe tout neuf, qui n’a que l’inconvénient, outre sa laideur probable, de doubler un verbe existant déjà. Ainsi, à partir de galère, on a fabriqué galérer ; merde a donné merder ; solution a donné solutionner (Frédéric Dard emploie ce terme au moins une fois par livre) ; yeux a donné zyeuter ; biberon a donné biberonner ; bite a donné biter ; et... je vous laisse en trouver d’autres, ce doit être inépuisable.

À quoi sert un mot comme candidater, qui n’existait pas il y a une vingtaine d’années – preuve sans doute qu’il était indispensable ? Lorsque vous posez votre candidature à un poste, vous ne candidatez pas, vous postulez ! Aucun besoin d’un néologisme d’une platitude insane. Mais la machine à créer des mots inutiles vient du manque de culture : on a besoin d’exprimer une idée, on ignore que le mot existe déjà, donc on en fabrique un par le procédé le plus court.

N’écoutez pas ce charlatan qu’est Alain Rey, qui vous dira qu’ainsi, on enrichit la langue. En fait, c’est exactement le contraire, puisqu’on évince un mot déjà présent dans notre vocabulaire et qui n’a pas démérité, pour le remplacer par un mot argotique vulgaire ou simplement plat et banal. Cela ne vous frappe pas, que plus personne n’emploie le verbe travailler et préfère dire bosser ? Cela dit, dans son 1984 (que j’ai lu pour la première fois vers mes dix-douze ans), George Orwell a écrit que « l’introduction de mots nouveaux ou la suppression de mots anciens dans le langage sont un puissant moyen de manipulation  des esprits ».

(Oui, je sais, de travailler à bosser, on gagne une syllabe. Ça vaut vraiment la peine)

Écrire ci-dessous une ânerie quelconque :

C
j'ai découvert dans une émission de télé un sire du nom de Marc Eugène Charles Ladreit de Lacharrière <br /> qui, pour parler de spectacle utilisait le mot anglais "entertainement" mot beaucoup plus long . Plus en rapport avec la longueur de son patronyme ?
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Y
Ce gars est richissime (1,6 milliard d’euros) et possède un tas de salles de spectacle, entre autres, donc il peut s’offrir un nom spectaculaire et un terme anglais pour qualifier son passe-temps.