Le français de nos présidents

Publié le par Yves-André Samère

De nos jours, n’importe qui peut devenir le chef d’État de son pays. Attention, par « n’importe qui », je n’entends pas « tout le monde ». Encore faut-il être milliardaire (voyez les États-Unis), ou d’une vulgarité au-dessus de la moyenne (voyez naguère Sarkozy), le cumul de ces deux qualités n’étant pas un obstacle.

Par conséquent, mon espoir de devenir président de la République française est assez mince. Mais comme il n’est pas interdit de rêver, il y a plusieurs choses dont je m’abstiendrais, le cas échéant.

D’abord, je ne voyagerais pas, et surtout pas en avion. Le train, à la rigueur, me conviendrait. Ou encore le bateau, puisque j’ai cette chance de ne pas avoir le mal de mer. Ensuite, en aucun cas je n’embrasserais Angela Merkel. Pourquoi faire des discriminations ? A-t-on jamais vu un chef d’État embrasser la reine Elisabeth ? (La pauvre doit ressentir un peu de jalousie, en fin de compte). Et puis, je ne présenterais mes vœux de Nouvel An à personne, attendu que ces simagrées n’ont jamais reçu le moindre commencement de réalisation, et dans ce cas, pourquoi ces blablablas aussi répétés qu’insipides ?

Enfin, jamais je ne donnerais de conférence de presse, parce que ces spectacles vous poussent à parler en public, et surtout, à improviser votre texte. Or là est la chausse-trappe : aucun chef d’État chez nous n’a réussi à s’en sortir sans commettre de faute de français ! Je dis bien AUCUN.

Récapitulons et nuançons, car tous ne sont pas logés à la même enseigne.

Le pire était évidemment Sarkozy. Totalement dénué de la moindre culture (il a redoublé sa sixième et a dû quitter son lycée pour recommencer son année dans une boîte privée), il a fait rire le monde entier par son langage et ses manières de plouc. Et il s’est couvert de gloire le jour où il a voulu faire le malin en dénigrant La princesse de Clèves, qui est un sommet de notre littérature. C’est lui qui a inventé l’absurde néologisme « méprisance », mais il est sans doute le seul à n’en avoir pas eu conscience.

Pompidou était agrégé de lettres, et De Gaulle, alors qu’il cherchait un collaborateur, avait demandé « Trouvez-moi un agrégé qui sache écrire ». Ce fut donc Georges Pompidou. Or cet agrégé, auteur d’une Anthologie de la poésie française et d’un livre politique, Le nœud gordien, se piégea lui-même en parlant, en conférence de presse, d’un « soi-disant chèque » émis par une firme immobilière dirigée par un escroc, chèque qui lui aurait été remis pour financer sa campagne électorale. Faute de français rédhibitoire. Par chance, les journalistes présents n’en savaient pas plus que lui en matière de français. Sinon, vous imaginez bien qu’ils l’auraient hué.

Mitterrand passe pour avoir eu de la culture. Je veux bien, mais j’ai trouvé un « par contre » dans son livre le plus connu, Le coup d’État permanent. Un homme qui sait écrire n’utilise pas cette expression, qui relève uniquement du jargon de la comptabilité.

Pour Giscard et Chirac, je manque de matière, même si le premier a réussi à se faire admettre à l’Académie française, où il a provoqué des tempêtes de rire avec ses romans à l’eau de rose, et si le second s’est ridiculisé dans une altercation en anglais de cuisine, au cours d’un voyage en Israël. C’est aussi Chirac qui a dit un jour « Je suis favorable à un septennat de sept ans » (ce qui ne l’a pas empêché de réduire à cinq ans la durée du mandat présidentiel).

Enfin, Hollande est un habitué des pléonasmes, comme « J’ai accordé la priorité première à l’Éducation nationale », ou « La lutte contre le chômage reste ma première priorité ». Mais il y en a eu bien d’autres. De fautes, pas de priorités.

Et De Gaulle, me demanderez-vous ? Incontestablement, c’est lui qui parlait le meilleur français, à la fois parce qu’il était de la vieille école, et parce que son père dirigeait une école (privée). Néanmoins, une fois au moins, pour fustiger les quatre généraux qui avait commis le putsch d’Alger en avril 1961, il s’était habillé en général pour venir dire avec mépris à la télévision que c’était « un quarteron de généraux en retraite ». Hélas, hélas, hélas (pour parler comme lui), le mot quarteron ne vient pas de quatre, mais de quart. Un quarteron, dans son acception la plus courante, c’est le quart de cent, donc vingt-cinq ! Même à cette époque troublée, on aurait difficilement trouvé vingt-cinq généraux retraités pour faire un coup d’État.

Écrire ci-dessous une ânerie quelconque :

G
Chirac second.
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Y
Merci ! j’ai corrigé.