Impunité automatique
Je trouve curieux qu’on absolve des fautes – voire des crimes – incontestables, dès lors que leur auteur s’est assuré une certaine célébrité dans un domaine précis n’ayant rien à voir avec ce qu’on devrait lui reprocher. Je ne prendrai que trois exemples, et vous laisse le soin d’en trouver d’autres.
- Roman Polanski a saoulé et drogué une fille de treize ans, puis, lorsqu’elle a été inconsciente, il l’a violée par derrière. Sodomisée, quoi ! Mais comme il réalise des films, que beaucoup ont eu du succès et qu’il a gagné un Oscar, tout le monde ou presque est d’avis de lui « pardonner » (le mot a été entendu cette semaine à la radio). Et la plupart des acteurs se battent pour jouer dans ses productions. Mais qu’est-ce que ses films ont à voir avec son crime ? Ah oui, j’oubliais, sa victime aussi a dit qu’elle lui pardonnait. C’est vrai que recevoir un énorme chèque de dédommagement, ça aide... « Comme on a raison d’avoir beaucoup d’argent ! », a dit un jour Sacha Guitry. Mais ce n’est pas dans les mœurs occidentales, de payer pour échapper à la Justice !
- le docteur Alexis Carrel, dont j’ai parlé précédemment, fut un ardent partisan de l’eugénisme, et milita pour qu’on élimine (qu’on tue, en langage clair) des « groupes d’étrangers indésirables du point de vue biologique », et il contribua à l’extermination des Juifs et des Tziganes, à la persécution des homosexuels, et des malades mentaux par « non-alimentation ». Il avait de la pudeur, cet homme, il ne disait pas qu’il fallait les faire mourir de faim. Mais quoi, il avait décroché un Prix Nobel. C’est utile, un Prix Nobel, et ça fait la gloire d’un pays, non ? Donc, il fallait oublier tout ça.
- De Gaulle a sciemment envoyé à la mort des dizaines de milliers de harkis, dont il savait très bien que les Algériens les massacreraient dans des conditions abominables. Oui mais, non seulement il a mis fin à l’instabilité gouvernementale en se faisant fabriquer une Constitution néo-monarchique taillée à sa mesure exclusive (dont on voit encore de nos jours les ravages), alors que c’étaient les députés du parti qu’il avait créé à cette intention qui faisaient tomber les gouvernements les uns après les autres, il a aussi, comme l’a dit ce matin Claude Askolovitch sur France Inter, été le « Père de la Nation » (sic). Et un père a tous les droits sur ses enfants, non ? Voyez Cronos ! (Une mère aussi : voyez Médée ou Agrippine la Jeune)