Colonisation – Corruption en Côte d’Ivoire
Il y a quelques jours, Macron s’en est allé en Algérie révéler à ses hôtes que, selon lui, la colonisation avait été « un crime contre l’Humanité ». Naturellement, tout le monde, ici et là-bas, a compris que cette déclaration fracassante (et que nul ne lui demandait) n’avait pour but que de se concilier les opinions publiques – même si relativement peu d’Algériens votent en France ! On sait bien que Macron est aussi menteur que tous les politiciens, dont il fait partie, et qu’il ne vise qu’à conforter son avance sur ses adversaires à l’élection présidentielle.
Mais enfin, ce n’était pas très malin. Car, s’il a réussi à se faire allumer par le Front National, il se trouve aussi en France des citoyens qui savent utiliser leurs petites cellules grises, comme disait le cher Hercule Poirot, et qui ont quelques connaissances de l’Afrique. Non, je ne vais pas vous refaire le coup des ponts, des routes, des écoles et des hôpitaux construits par les Français. Ça, les fachos du parti lepéniste s’en sont chargés, et tout n’est pas faux, même si les Africains ont été un peu forcés de participer gratuitement. Mais il y a plus subtil.
D’abord, la plupart des chefs d’État actuellement en poste sur le continent africain, à de très rares exceptions près comme feu Sékou Touré, ont parfaitement supporté que « la France », ainsi qu’il faut dire, se charge d’à peu près tout. Ainsi, en Côte d’Ivoire, le premier président de ce pays, Félix Houphouët-Boigny, qui a tenu de 1960 à 1993, année de sa mort, était un chaud partisan de la célèbre Françafrique, pour une tout autre raison que l’enrichissement personnel qu’elle lui a permis, puisque, chef traditionnel de tribu et déjà propriétaire de la plus grande surface de terres cultivables du pays, il était richissime AVANT de quitter le gouvernement français et de devenir président. Or, tout en étant avide et hanté par la religion catholique, il possédait un solide bon sens et avait compris que toute l’Afrique souffrait d’une corruption galopante.
Je vous explique : un Africain qui décroche un poste de fonctionnaire et perçoit un salaire devient aussitôt la vache à lait de tout le village d’où il vient – et cela peut concerner des centaines de personnes. Et s’il se fait tirer l’oreille, par exemple en ne pistonnant pas les membres de sa famille, on lui en voudra à mort, et sa vie sera menacée : on a le poison facile, sur ce continent, c’est même la seule compétence des innombrables sorciers auxquels chacun croit. Il s’ensuit que, pour tout service rendu dans l’administration, le fonctionnaire responsable exige un bakchich, faute de quoi on n’obtient rien. Et ça, le Vieux, ainsi qu’on l’appelait, le savait depuis toujours.
Comment résoudre ce problème épineux ? Très simplement : en nommant aux postes de décision des coopérants non-Africains, et très bien payés ! Eux, n’étant pas natifs du pays et ne possédant aucune attache familiale dans quelque village que ce soit, resteraient impermables au billet de banque glissé entre les pages d’un passeport, voire aux valises de billets comme dans les cas les plus criants. Et ce remède a porté ses fruits, ainsi qu’on pouvait le constater en se rendant dans n’importe quel ministère : si le responsable en titre était toujours un Ivoirien pourvu d’un immense bureau et de deux secrétaires (qui passaient leurs journées à se vernir les ongles), les véritables décisions se prenaient à l’autre bout du couloir, dans un petit bureau de neuf mètres carrés, où se décidait par exemple la carrière des enseignants, un coopérant français (mais parfois d’une autre nationalité) connaissait tous les fonctionnaires, parce qu’il les avait nommés à leur poste, et qui faisaient la queue devant sa porte !
Moyennant quoi, la corruption des fonctionnaires, tout en n’ayant pas complètement disparu (ne rêvons pas) avait sérieusement reculé, et le pays, économiquement, a tenu bon jusque vers 1985.
Un autre jour, je vous parlerai du problème des langues locales.