De la culture du melon
Nos chers acteurs français, qui prétendent « se mettre en danger » dès qu’ils jouent un rôle un peu à part de ce qu’ils faisaient d’habitude, auraient bien dû goûter au régime que connaissaient les grandes vedettes de l’époque faste d’Hollywood, dans les années trente à cinquante, où elles n’étaient guère que des employés des studios, et devaient obéir sans discuter aux ordres de leurs patrons. Je me souviens d’avoir lu une lettre manuscrite de trois pages que Bette Davis avait écrite à Jack Warner, le patron de la Warner Bros., qui lui avait interdit de tourner des spots publicitaires pour les cigarettes : elle était furibarde, mais avait dû marcher droit. C’est aussi à cette époque qu’Alfred Hitchcock avait déclaré que les acteurs n’était « que du bétail », et tous, sauf Carole Lombard qui était une de ses amies, l’avaient mal pris.
Il fallait aussi suivre les diktats des agents de publicité, qui inventaient n’importe quelle baliverne pour fignoler les réputations des vedettes. Durant des dizaines d’années, ils ont répandu le bruit que Fred Astaire et Ginger Rogers se détestaient, afin de faire monter la mayonnaise, alors qu’en fait, ces deux as de la danse étaient d’excellents amis (sinon, comment auraient-ils fait dix films ensemble ?).
Chez nous, aujourd’hui, c’est la grosse tête assurée. Savez-vous que, lorsque Jeanne Moreau avait été invitée au Festival de Cannes et logée dans un palace, elle avait fait la moue devant la somptueuse suite qu’on lui avait attribuée, et avait gémi « Mais où pensez-vous que je vais pouvoir mettre mes affaires ? ». Je n’invente rien, c’est Gilles Jacob, l’ancien président du festival, qui l’a rapporté dans son livre de souvenirs. Sans d’ailleurs se formaliser outre mesure, car il était en extase devant ces charlatans.