Le précurseur des abstentionnistes
En un temps où l’on fustige les abstentionnistes (et je ne suis pas le dernier à le faire, car je trouve ça très bête, puisque cela revient à dire « Je ne pense rien et je le fais savoir »), je trouve assez farce que nul ne songe, sans doute parce que ce serait politiquement incorrect, à mentionner que le plus célèbre des abstentionnistes de la Cinquième République fut un certain Charles De Gaulle – quoique je m’attends à être contredit par quelqu’un, que pourtant j’aime bien, et qui compense sa qualité d’être intelligent par le défaut d’être gaulliste, alors qu’il est né quarante-et-un ans après la mort de Mongénéral.
Bref, en 1969, alors qu’il venait de démissionner de la présidence de la République, le ci-devant président, qui ne pouvait se résoudre à voter pour un successeur, et surtout pas pour Pompidou parce qu’il s’était mis à détester le natif de Monboudif – tant il lui en voulait de l’avoir implicitement ridiculisé en gagnant les élections législatives l’année précédente –, avait résolu de s’exiler pour quelques semaines, le temps de laisser passer l’orage, et avait trouvé refuge en Irlande, en compagnie de sa femme. En somme, De Gaulle s’abstenait de voter, parce qu’il jugeait inconcevable qu’on veuille lui succéder !
Les Français, eux, ont plutôt trouvé reposant de ne plus avoir à dire « Mon général » pour s’adresser au président de la République, comme si le pays entier était devenu une caserne. Vous ne pouvez imaginer le bien que ça leur faisait.