Lynchage médiatique

Publié le par Yves-André Samère

La chose n’a pu échapper à personne : chaque fois qu’un homme politique est mouillé jusqu’aux sourcils dans une affaire véreuse et que les journaux en parlent, ledit homme politique – par exemple Fillon, pour prendre un exemple récent, mais  Ferrand n’est pas mal non plus – hurle au charron et se dit victime d’un « lynchage médiatique ». Chaque fois que, dans un domaine quelconque, politique, financier, judiciaire, un dirigeant dérape, se montre incapable, s’englue dans un scandale et provoque des dégâts dont est victime la collectivité, il se trouvera toujours quelqu’un pour dénoncer la juste indignation de l’opinion publique, et venir déclarer dans les radio-télés qu’on ne doit pas se livrer à un lynchage médiatique.

Et c’est bien vrai que chez nous, on a coutume de lyncher les escrocs, les voleurs, les magouilleurs, les incapables, les corrompus, etc. Souvenez-vous, naguère, au temps où l’honnête Tapie, nommé ministre par Mitterrand, s’était fait rouler par le  non moins honnête Crédit Lyonnais. La sanction de son PDG pour cette boulette ayant donné naissance à une dette énorme, qu’on a répercutée sur la totalité des citoyens français, et que les contribuables n’ont pas fini de payer, avait été effroyable : on lui avait donné un autre poste encore mieux payé...

Plus tard, c’est le juge d’instruction Fabrice Burgaud qui a tenu la vedette : cet homme, chargé de l’enquête des prétendus pédophiles d’Outreau, n’avait écouté que les témoins de l’accusation, et avait envoyé des innocents en prison, certains jusqu’à deux ans et demi. Des familles ont été séparées, des ménages brisés, des réputations souillées, un innocent en est mort, et l’on en passe, si j’ose dire après ce palmarès. Eh bien, là encore, la sanction, épouvantable, était tombée : après un passage devant une commission de magistrats, le juge avait été nommé à la section financière du parquet de Paris. Une belle promotion !

La vérité est que les décideurs, politiques ou autres, n’aiment pas reconnaître qu’ils se sont trompés en nommant tel abruti à tel poste qu’il était bien infoutu d’occuper. Alors, quand l’évidence se fait jour, on ne va pas faire marche arrière, on fonce, droit devant. L’incapable est délicatement retiré de son poste, mais jamais rétrogradé. En lui donnant au contraire une promotion, on évite d’admettre qu’une erreur a été commise.

Ce ne serait que comique si on n’ajoutait l’odieux à tout cela. En effet, on s’applique ensuite à culpabiliser l’opinion publique, avec des phrases toutes faites comme « Nous sommes tous coupables ». Ah bon ? Nous avons tous escroqué nos concitoyens et envoyé des innocents en taule ?

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