Quand les syndicats états-uniens sabotent le travail
Dans le monde du cinéma professionnel, rien n’est plus redoutable que les syndicats de techniciens, et j’ai déjà raconté une anecdote issue d’un film que j’avais vu, et dont je dois préciser que cela ne se passait pas en France, où l’on est (à peine) un peu plus tolérant. Mais aux États-Unis, c’est l’enfer.
J’ai déniché une autre histoire dans un livre que le grand réalisateur Sydney Lumet avait écrit en 1995 (Lumet est mort en 2011, après avoir fait 73 films, dont pas mal de téléfilms). Ce livre s’intitulait Making movies, et on l’a publié en France sous le titre Faire un film. Et c’est encore un exemple que les syndicats de là-bas font littéralement régner la terreur.
Quand il a voulu réaliser Le prince de New York, en 1981, Lumet avait eu l’idée de faire appel, pour la musique, à un compositeur de grande qualité, Paul Chihara, qui n’avait encore jamais travaillé pour le cinéma. Or, à l’époque, les musiciens aux États-Unis étaient tous en grève, et le réalisateur avait décidé de faire composer et enregistrer la musique à Paris. Mais le malheureux compositeur, qui était du voyage, ne pouvait même pas entrer dans le studio d’enregistrement : si cela s’était su à New York, le syndicat, qui surveillait les studios de Londres et de Paris (!), l’aurait immédiatement exclu ! Et Chihara était littéralement terrifié. Si bien qu’il restait dans la rue, en face du studio où il ne pouvait pas pénétrer, et le réalisateur lui apportait chaque soir une cassette audio contenant la musique qui avait été enregistrée sans lui, par un autre compositeur français illustre, Georges Delerue – lequel le connaissait et l’admirait.