Que ta main gauche ignore ce que fait la droite
Tout à l’heure, j’ai regardé sur YouTube l’enregistrement d’un concert public donné le 8 décembre 2011 par Hélène Tysman, pianiste alors âgée de 29 ans, et qui, accompagnée par l’orchestre de l’Université de musique Franz Liszt de Weimar, jouait le Concerto pour la main gauche, de Maurice Ravel. Cette œuvre est d’une difficulté diabolique, car le compositeur, qui avait écrit ce morceau pour un pianiste ayant perdu son bras droit à la guerre de 14-18, s’est efforcé de laisser croire que l’interprète se servait bien de ses deux mains. Cela m’intéressait de savoir si Hélène se servirait aussi de sa main droite !
Ben non, elle ne l’a pas utilisée du tout en vingt-quatre minutes. Ce qui m’amène à me poser quelques questions.
D’abord, les pianistes qui n’utilisent que leur main gauche pour jouer ce concerto craignent-ils que le public les accuse de tricher et leur balance des tomates ? Autre question : font-ils la même chose quand ils enregistrent ce morceau en studio, où personne ne pourrait leur faire ce reproche, hormis les techniciens qui s’en fichent ?
Et, last but not least, que font-ils de leur main droite, pendant ce temps ? La laisser inemployée, c’est du gaspillage d’énergie, non ? Ils pourraient, je ne sais pas, moi, s’en servir pour battre des œufs en neige ; faire un sudoku ; envoyer des SMS ; tourner les pages de la partition ; faire coucou au public ; signer à l’avance quelques photos pour les distribuer ensuite ; faire des selfies ; regarder l’heure sur leur montre-poignet. Le champ des possibilités est vaste.