Langue de bois : 0. Introduction

Publié le par Yves-André Samère

Vous caressez peut-être le rêve de vous lancer dans la carrière politique. Fort bien, mais il vous faudra consentir à quelques petits sacrifices, à commencer par celui de votre vie familiale, car vous devrez désormais caresser vos électeurs dans le sens du poil, sept jours sur sept et vingt-quatre heures par jour. Vous devrez aussi vous astreindre à laisser tomber votre langue maternelle, dont je suppose que c’est le français, pour apprendre en accéléré la seule langue possible, en politique : la langue de bois. Et, pour commencer, imitez Jean-François Copé, dont le score au premier tour de la primaire présidentielle des Républicains (ex-UMP) de 2016 a ébloui la France entière, puisqu’il y a ramassé 0,3 % des voix, après avoir publié en 2006 un livre intitulé Promis, j’arrête la langue de bois. Le rapport entre ces deux faits est évident.

Toujours désireux de rendre service, je vais donc dispenser ici quelques cours de langue de bois. Je ne sais pas encore combien de leçons il me faudra composer, mais faites-moi confiance, je connais le sujet presque aussi bien que Copé !

Comme la présente notule n’est qu’une introduction, je lui attribue le numéro zéro du feuilleton Langue de bois. Patientez, j’ai déjà réfléchi à quelques chapitres, comme les euphémismes, les sigles, les pléonasmes, les anglicismes (Macron devrait adorer), les néologismes et les technicisateurs, dont je jurerais que vous ignorez encore ce que c’est !

En attendant, demandons-nous quel est l’intérêt de la langue de bois. Eh bien, elle donne de l’espoir car elle permet de continuer à rêver à un monde meilleur ; elle nous materne par son vocabulaire décalé ; elle nous rassure en nous protégeant de toutes les inégalités sociales ; elle force l’adoption d’un comportement consistant à se voiler la face ; elle atténue les inégalités en renommant la réalité de manière positive ; elle permet de masquer les conflits d’intérêts, les désaccords politiques et moraux ; elle permet de donner l’impression d’être intelligent ; elle éloigne les minorités et culpabilise ceux qui pensent différemment ; elle diminue la capacité d’indignation, supprime les jugements de valeurs et permet d’accepter l’inacceptable. N’est-ce pas merveilleux ?

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