La statue de la Pucelle d’Orléans
Beaucoup de Français croient que « Jeanne d’Arc » (elle ne s’appelait pas ainsi, et ignorait jusqu’à ce nom) a toujours été une héroïne nationale. Or, passé son procès de réhabilitation, en juillet 1456, elle est à peu près tombée dans l’oubli, et peu d’auteurs parlent d’elle. Parmi eux, Voltaire en fait même un personnage comique dans son livre La Pucelle d’Orléans, un pastiche publié en 1762, allant jusqu’à l’imaginer victime d’une tentative de viol par... son âne, sa seule monture, que Dunois, l’un de ses capitaines, abattra, avant de prendre sa place entre ses bras !
Jeanne la Pucelle n’est donc revenue à l’avant-scène qu’à la suite de la défaite de 1870 contre la Prusse, quand le besoin de grands héros nationaux se fit sentir, afin de soutenir le moral des Français humiliés. Et c’est Michelet, avait parlé d’elle dès 1841, qui la popularisa, en héroïne « incarnant le peuple ».
C’est donc dans ce contexte de patriotisme qu’on décida d’ériger une statue à Jeanne, mais ce ne fut pas sans mal. On choisit de l’installer Place des Pyramides, tout près des Tuileries, à l’endroit où elle-même fut blessée lors de sa tentative (ratée) de prendre Paris en 1429. La statue, conçue par Emmanuel Frémiet, célèbre sculpteur de l’époque, fut inaugurée en 1874, en un temps où seuls les souverains et les chefs militaires masculins recevaient cet honneur. Or le résultat ne plut pas beaucoup au peuple, et l’œuvre fut vivement critiquée, si bien que Frémiet décida de modifier son travail et de refaire... le cheval. Mais, afin d’opérer discrètement, il fallut attendre une occasion favorable, un évènement qui puisse éclipser ce retour en arrière. On choisit donc la construction du métro, en 1898, alors que la nouvelle ligne, passant par la Rue de Rivoli, nécessitait que la statue soit provisoirement déplacée.
Depuis, Jeanne est devenue un symbole national, ce qu’elle n’avait jamais été de son vivant, et tous les hommes politiques se sont évertués à l’annexer à leur profit. Pour l’heure, c’est le Front National qui a fait main basse sur elle, et organise une manifestation « patriotique » chaque 1er mai devant la statue, mais Sarkozy n’a pas été en reste, qui avait décrété qu’on devrait fêter le jour de naissance de « l’humble bergère » (ce qu’elle n’a jamais été non plus, et elle-même a démenti ce bobard), alors que nul ne connaît, ni son jour de naissance, ni même l’année de ce prodigieux évènement !