La philosophie et moi

Publié le par Yves-André Samère

Tout à l’heure, j’ai écouté une discussion philosophique à laquelle participait Raphaël Enthoven, et je n’aurais pas cru m’y intéresser à ce point, car je suis un ignare en matière de philosophie : lorsque j’étais en classe de terminale, les cours de philosophie, je les passais à dessiner, et mes dissertations consistaient uniquement à ridiculiser autant que possible ce que les philosophes estampillés racontaient dans leurs écrits. Par chance, j’avais un professeur intelligent, qui voyait bien que j’étais alors trop jeune pour m’intéresser à ses cours, et me pardonnait bien volontiers. D’ailleurs, lorsque j’ai voulu, à trois ou quatre reprises, lire L’être et le néant de “Jean-Saul Partre”, je n’ai jamais dépassé le premier paragraphe de la première page.

Pour en revenir à la discussion dont je parlais ci-dessus, le point de départ était une phrase de Montaigne, un peu paradoxale, mais c’est le métier des philosophes que de fendre les cheveux en quatre et d’avancer le contraire de ce que tout le monde (ou presque) pense : « Autant peut faire le sot celui qui dit vrai que celui qui dit faux, car nous sommes sur la manière, non sur la matière ». Il devait aimer les jeux de mots, Montaigne !

Or, de toute la discussion entre le père de Giganto et son passeur de plats, j’ai retenu cette remarque visant nos hommes politiques : que, lorsque s’affrontent deux représentants de cette caste grenouillant dans des camps opposés, c’est systématique, ils n’émettent une opinion qu’à condition qu’elle contredise ce que pense le type d’en face. Et si jamais le type d’en face a le tort d’émettre une idée qui vérifie les opinions de son adversaire, celui-ci retourne imédiatement sa veste (comme cet avocat imaginé par Courteline, qui reçoit en pleine audience la nouvelle qu’on vient de le nommer procureur, et qui, aussitôt, se met à requérir contre son client), et affirme le contraire de ce qu’il disait une heure plus tôt : pas question de jamais pactiser avec l’ennemi, et tant pis pour les idées ! On appelle ça du sectarisme, et je crois que c’est une spécialité française.

À vrai dire, j’avais déjà trouvé un exemple de cette tournure d’esprit dans Port-Royal, la pièce de Montherlant. Il s’y trouve une scène où l’un des religieuses dit à peu près ceci (je n’ai pas le texte sous le main, donc je cite de mémoire) : « Notre inspirateur [Antoine Arnauld, sauf erreur] a dit “Mettez-vous d’accord avec votre adversaire”, et moi je dis “VOUS ÊTES d’accord avec votre adversaire”, paradoxe qui scandalisait la supérieure du couvent, laquelle, dès lors, lui sonnait les cloches (le lieu s’y prêtait).

Finalement, la philosophie est partout, et je me désespère d’y être allergique. Jamais je ne serai aussi calé que le professeur Enthoven. D’ailleurs, lui travaille à Europe 1, c’est bien la preuve que le niveau de sa pensée me la rend inaccessible.

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