La vérité sur le Pont d’Arcole

Vous savez sans doute qu’à Paris, on compte 37 ponts au-dessus de la Seine. Il y en a d’autres, encore plus nombreux, mais qui enjambent de simples rues ou avenues, sans compter ceux utilisés par le métro, les trains ou les piétons, et les 149 ponts au-dessus du boulevard périphérique. Mais le nom de l’un d’entre eux peut vous induire en erreur. Il s’agit du Pont d’Arcole.

À première vue, et même à deuxième vue, on pense qu’il a un rapport avec Bonaparte, pas encore empereur, lors de la bataille d’Arcole en 1796. Un tableau célèbre d’Antoine-Jean Gros, justement intitulé Bonaparte au pont d’Arcole, se trouve au Louvre, et il en existe deux autres versions identiques, l’une à Saint-Petersbourg (Musée de l’Ermitage), l’autre à Arenenberg, en Suisse. Tous représentent un évènement qui n’a jamais eu lieu sous cette forme, et n’ont servi que son mythe, auquel le Corse était très attentif (on sait que l’immense tableau de son couronnement montre sa mère assistant à la cérémonie, alors qu’elle en était absente !).

Bref, le pont d’Arcole, entre l’Hôtel de Ville et l’Île de la Cité, ne doit rien au dictateur ni, en Italie, à la petite ville de ce nom, au sud-est de Vérone. En réalité, Arcole était un garçon de quatorze ans qui, lors des Trois Glorieuses (27, 28 et 29 juillet 1830, deuxième révolution française qui provoqua la chute du roi très réac Charles X, lequel venait de supprimer la liberté de la presse), s’était élancé, drapeau tricolore en mains, le 28 juillet, pour participer à la prise de l’Hôtel de Ville. Mal lui en prit, puisqu’il reçut une balle dans la tête et en mourut.

On donna officiellement son nom au pont sur lequel il avait été tué. Il n’est pas interdit de penser que Victor Hugo s’est inspiré de lui pour son personnage de Gavroche dans Les Misérables.

Je dois cette explication à Lorànt Deutsch, et elle figure dans son dernier livre, Métronome 2, qui fourmille d’anecdotes sur les rues de Paris. Merci à lui.