Artistes, choisissez enfin la modernité !
Il arrive qu’un artiste décide de « dépoussiérer » son style – comme on dit dans les journaux mieux écrits que le présent bloc-notes –, de passer à la « modernité », de « vivre avec son temps » ou, pourquoi pas, en avance sur celui-ci plutôt qu’avec. Et, en général, sur cette bonne intention, il se plante. Souvenez-vous d’Alfred Hitchcock : l’un des traits de la « Hitchcock touch » que ses admirateurs préféraient, c’était ce contraste entre la noirceur de sa vision du monde et l’emploi de héros distingués, d’héroïnes élégantes et blondes, de méchants originaux et plutôt attirants (ah ! James Mason dans La mort aux trousses !...). Et puis, un jour, Hitch a tiré un trait sur tout cela, fait un pas en direction du populo, et réalisé Frenzy : il y montrait des femmes nues et très communes, un héros vulgaire, un méchant qui se curait les dents avec une épingle de cravate, et tout ce joli monde parlait un langage ordurier. Adieu Grace Kelly, Joan Fontaine et Ingrid Bergman, adieu Cary Grant, Joseph Cotten et James Stewart ! Hitchcock avait donné tête baissée dans la MO-DER-NI-TÉ.
Souvenez-vous également du groupe Queen. Leurs premiers 33-tours (le CD n’existait pas encore) portaient tous la mention No synths – pas de synthétiseurs. De 1973 à 1978 inclus, Queen est resté fidèle à son style et à ses instruments d’origine. Puis, après Jazz, en 1979, changement de politique, les synthétiseurs et leur son médiocre (ils ont fait des progrès depuis) envahissent tout, et la qualité s’en ressent. Le journal « Actuel » les qualifie alors de « groupe prétentieux et “artistique” », et Freddie Mercury est comparé à Luis Mariano !
Aujourd’hui, j’ai vu le dernier film de « Chpilbergue », comme il faut dire quand on est critique pour Le masque et la plume. Ce film, Ready player One, est pire que son Minority report, dont certains avaient affirmé qu’il était son meilleur film, ce qui prouve bien que l’humour ne perd jamais ses droits. Si Minority report, qui date de juin 2002, était le meilleur film de Spielberg, alors Jacques Chirac fut le président le plus honnête depuis De Gaulle ; Vincent Bolloré, le patron le plus compétent de l’ère quaternaire ; Romane Bohringer, l’actrice la plus sexy depuis Hedy Lamarr ; et Jean-Marie Bigard, l’humoriste le plus drôle depuis le Pétomane.