Votre « playlist », vous l’écoutez bien en boucle ?

Horripilante, la mode actuelle et récente qu’ont adoptée les animateurs d’émissions de radio-télés, et qui consiste à prier leurs invités de leur fournir, avant l’émission, ce qu’ils appellent leurs playlists, c’est-à-dire la liste des chansons qu’ils écoutent actuellement – « en boucle » bien entendu, puisqu’il est admis, aujourd’hui, qu’on ne peut pas écouter une chanson autrement que cinquante fois de suite. Lesdits invités sont donc priés de se conduire dans la vie comme s’ils étaient âgés de seize ans au maximum, supposition qui doit les flatter beaucoup. Par exemple, lorsque cette prière s’adresse à une femme comme Françoise Hardy, qui n’a QUE 74 ans.

Pour ma part, j’aimerais assez qu’un de ces décérébrés me prie de lui établir ma playlist, car je me ferais un plaisir de lui rétorquer que je n’écoute aucune chanson, même « sous la douche » – autre cliché –, attendu que les musiques que je suis censé aimer, je les ai déjà dans la tête, y compris si ce sont des morceaux classiques, et que je ne ressens aucun besoin de les écouter « en boucle » pour les entendre. Après tout, Beethoven, qui était sourd depuis un âge assez tendre, n’a jamais entendu sa Neuvième Symphonie !

(Je rigole à l’idée de ce qu’il aurait répondu à un Nagui, un Barthès ou un Bern, avec le sale caractère qu’il possédait. Et n’insinuez pas que je me compare à Beethoven)

Mais je suppose que vous avez compris à quoi tend cette habitude récente : on attend de ces invités qu’ils fassent le travail à la place de la puissance invitante, laquelle, de ce fait, gagne dix minutes sans travailler. Et remarquez que je dis « de ce fait », et pas « du coup » comme le veut une autre mode ridicule, car cette expression signifie « aussitôt », et rien d’autre.