Dérapage sémantique
J’ai suivi, hier soir sur France 2, l’émission Secrets d’Histoire consacrée au prince Charles d’Angleterre, futur souverain du Royaume-Uni – sauf cas très improbable où il mourrait avant sa mère Elisabeth II. Soit dit en passant, sa femme Camilla deviendra ainsi reine, alors qu’elle est divorcée de son premier mari, ce qui ramène la famille à la situation qui a obligé le roi Édouard VIII, époux d’une divorcée, à l’abdication en 1936 et à laisser le trône à son frère. Mais on imagine mal Charles divorcer de Camilla !
J’apprécie beaucoup le prince Charles, qui est un type tout à fait à part, élevé à la dure par la volonté de son père, et qui a tenu bon grâce à son humour et ses diverses passions, dont toutes ont été détaillées par l’émission (écologie, refus du modernisme effréné en architecture), et père modèle puisqu’il n’a pas imité le sien en collant ses fils dans une sorte de bagne fleurant bon le militarisme, où lui-même a été abominablement brimé.
Néanmoins, pas une édition de Secrets d’Histoire sans une bourde langagière, mission délicate qui a été accomplie par une bévue, due comme souvent à la commentatrice du texte d’accompagnement, Isabelle Benhadj. Son exploit du jour tenait en une seule phrase, qui m’a fait sursauter : « L’oisiveté ne fait pas partie du vocable du prince Charles ». Il faudrait avertir cette dame, qui confond vocable et vocabulaire, que ce terme, qu’elle utilise sans en connaître le sens, ne désigne aucun ensemble de mots susceptible de contenir le mot oisiveté. Ainsi, le Littré, dont ladite dame n’a jamais entendu parler, dit que c’est un « mot, partie intégrante d’un langage », tandis que le Centre national de Ressources textuelles et lexicales précise que c’est un « élément du langage, considéré quant à sa signification et à son individualité lexicale », et que l’Académie française, que c’est un « mot, partie intégrante d’une langue ».
Donc, c’est un MOT. Par conséquent, laisser entendre que vocable est un ENSEMBLE comprenant le terme oisiveté, c’est de l’ignorance pure et simple, mais courante dans les médias. Hélas, car cette émission a un certain prestige, et... elle coûte cher !