Charcuter Desproges
Tout l’été, à France Inter, on a décidé de terminer la Matinale, à neuf heures moins cinq, par un sketch de Pierre Desproges. Bonne idée, allez-vous me dire. Et puis, il faut bien faire un peu de publicité au livre que cette radio s’efforce de vendre, avec trois mois de retard sur l’édition du gros recueil des textes de cet auteur, mort il y a trente ans. Parler de Desproges avant cette mise en vente, c’était impossible, vous pensez bien...
Oui, mais voilà, on a choisi de piocher, soit dans les Réquisitoires du Tribunal des Flagrants Délires, soit dans les Chroniques de la haine ordinaire. Par ailleurs, je vous ai dit plus haut qu’on lançait la rubrique à neuf heures moins cinq, heure à laquelle on doit ajouter la présentation de la rubrique, puis une dernière minute de pub lorsqu’elle est terminée – cette pub, dernier cadeau de Mathieu Gallet avant qu’on le vire de la présidence de Radio France pour cause de menus ennuis judiciaires (Gallet, c’était un peu la bande annonce de Macron : même physique avantageux, même hypertrophie de la personnalité, même dédain pour le public). En gros, il reste trois minutes pour écouter le cher Pierre.
Or, et c’est très fâcheux, mais... si une Chronique de la haine ordinaire tient dans ces trois minutes, un Réquisitoire dure entre huit et neuf minutes, donc ça ne cadre pas. Que faire ?
Élémentaire, mon cher Watson : si on a prévu de diffuser un Réquisitoire, il « suffit » de taillader dedans !
Et c’est ainsi que, ce matin, le Réquisitoire contre Jean-Marie Le Pen a été charcuté par les sadiques du montage radiophonique, et il y manquait à peu près tout ce qui concernait la question que se posait Monsieur le procureur : peut-on rire de tout, et surtout, avec n’importe qui ? De Le Pen, il ne restait rien, ou presque. Comme je connais par cœur ce texte fameux, ça ne pouvait pas passer inaperçu, et j’ai littéralement entendu le coup de ciseau.
Ils sont bien dévoués, à France Inter, ils savent garder l’essentiel, et flanquer le superflu à la poubelle.
(On aurait aimé entendre ce que Desproges himself aurait dit du procédé)