Prénoms à éclipse
Nul n’ignore que les Britanniques sont des gens bizarres, et qu’ils restent très attachés à certaines coutumes qui n’ont rien d’humain, comme de manger du rôti assaisonné à la gelée de menthe, ou de garder le même pudding durant des mois pour le plaisir d’en déguster un morceau chaque fois qu’ils ont quelque chose à fêter.
L’une de ces coutumes est rattachée à leur justice. Passons sur la survivance de ces perruques ridicules dont ils s’affublent afin de bien afficher que leur conception de leur justice n’a rien à voir avec celle des autres nations ; ou sur celle qu’ils ont conservée aussi longtemps que la peine de mort était maintenue dans leur système : lorsqu’il devait anoncer à l’accusé qu’on le condamnait à mort, le président du tribunal posait un carré de tissu noir sur sa tête déjà surmontée d’une perruque (évidemment, si cet accessoire avait été de couleur arc-en-ciel, c’eût été trop lugubre).
Moins sinistre est l’habitude qu’on a là-bas : les présidents de tribunaux changent de prénom lorsqu’ils accèdent à leur fonction, et le remplacent par le mot Justice. Par exemple, si Sir Alfred Hitchcock était devenu juge à la Royal Court de London, il aurait fait inscrire sur sa carte de visite « Sir Justice Hitchcock ». C’est ce qu’on appelle annoncer la couleur – un peu comme de porter une perruque noire lors de l’énoncé du verdict de mort.
Je ne crois pas que cette coutume existe dans un autre pays, mais si vous avez des tuyaux sur la question, sachez que je suis preneur.
En outre, je trouve que c’est une assez bonne idée, qu’on devrait adopter chez nous, en l’étendant à toutes les professions. Ainsi, au cas où il Signore Carlo Morante serait fabricant de pizzas, il pourrait se faire appeler « Signore Pizzaiolo Morante ». Cela mettrait un peu d’ordre dans les couches sociales.