« Commediante ! Tragediante ! »
France Inter, ce matin, avait invité deux chroniqueurs spécialisés dans la politique, Alain Duhamel et Thomas Legrand, qui sont convenus que De Gaulle haïssait les partis politiques, et surtout, ajouterai-je, le Parti Communiste, qui, membre du gouvernement, n’acceptait pas toutes ses réformes. Donc, De Gaulle a démissionné de la présidence du Gouvernement provisoire, le 20 janvier 1946, et s’est retiré à Colombey, où il possédait une propriété. Secrètement, il espérait que le peuple, en larmes, viendrait le supplier de revenir au pouvoir, mais, déception atroce, le peuple français s’en fichait et ne le rappela pas : à cette époque, le seul nom de De Gaulle faisait rire, et il était devenu le bonheur des chansonniers, un peu comme Macron aujourd’hui.
Or, quel fut son premier acte une fois « libéré » (lui aussi) ? Ce fut, en 1947, de fonder un parti politique ! Il le baptisa « Rassemblement du peuple français » (RPF), afin d’éviter le mot parti qui lui donnait de l’urticaire. Et que reprochait-il aux partis traditionnels de la Quatrième République ? De provoquer l’instabilité ministérielle en faisant tomber les gouvernements les uns après les autres. Or, à quoi servit son RPF ? Au même effet, mais en pire ! Ses députés avaient pour consigne (eux aussi, mais volontaire) de renverser tous les gouvernements successifs, et de privilégier le pouvoir exécutif – que lui-même avait largué pour manifester sa rancune. On n’est pas plus franc du collier... Le but de Mongénéral était donc de dégoûter les Français de la nouvelle République, la très haïe Quatrième, qui avait osé se passer de lui, et qu’il brûlait de renverser pour lui substituer une autre république, plus à sa convenance, c’est-à-dire quasi-monarchique. Et ce parti non avoué, il le dirigeait effectivement, en venant à Paris chaque semaine, et en y admettant d’anciens pétainistes et même d’anciens collaborateurs : dans les sections d’Indochine et d’Algérie, dans le service d’ordre, dans les rangs des syndicats ouvriers proches du R.P.F., et parmi les maires élus en 1947.
Cela dura jusqu’en 1958, date à laquelle l’enlisement du pays dans la guerre d’Algérie força le président de la République, René Coty, à rappeler De Gaulle pour en faire son président du Conseil (l’équivalent aujourd’hui du Premier ministre). On connaît la suite : De Gaulle fit rédiger une nouvelle Constitution par un domestique zélé, Michel Debré, qui, ô surprise ! militait jusqu’alors pour l’Algérie française dans son journal « Le courrier de la colère », journal que, pas fier, il abandonna dès que le nouveau président de la République lui donna le poste de Premier ministre ! Les Debré ont toujours été très dociles...