Trop gourmands !
Une mode qui commence à me barber singlièrement, c’est cette manie, sévissant chez nos compatriotes, de détourner les mots de leur sens. Non, je ne vais pas reparler de ce mot, compliqué, qui a envahi les médias, et que j’entends une douzaine de fois par jour, jamais à bon escient, et qui tend à remplacer à peu près tout.
Non, aujourd’hui, je m’en prends à l’adjectif gourmand. Le premier sens de ce mot ne concerne que des personnes, qui aiment manger, avec avidité et avec excès – une sorte de synonyme pour gastronome, en somme. Mais c’est aussi un terme d’agriculture, peu connu et plutôt péjoratif, désignant un arbre ou tout autre végétal qui a trop de branches et occupe donc la place de ses voisins.
Mais la mode a imposé un autre sens, complètement différent, qui sert de nos jours à qualifier ce que les véritables gourmands absorbent pour se goinfrer. C’est ainsi qu’on trouve désormais, chez ces escrocs que sont les cuisiniers à la mode, des « recettes gourmandes », et qui, à la fin d’un repas, vous proposent « un café gourmand » ou, dans certains cafés, une « pause gourmande ».
Ridicule. Employé ainsi, l’adjectif gourmand ne veut plus rien dire. Mais c’est dans l’air du temps, de ne plus connaître notre langue maternelle. Un jour, ce pays ressemblera à la Tour de Babel. Que dis-je ? Il l’est déjà devenu.