Ne pas rater « La casa de papel »
Mon article précédent parlait de la différence entre série et feuilleton, que beaucoup confondent. Il se trouve qu’hier, j’ai achevé de visionner La casa de papel (en espagnol, « La maison de papier », parce que l’action se déroule dans le bâtiment officiel où s’impriment les billets de banque). Cette production s’étend sur deux saisons, la première de treize épisodes, la seconde, de neuf seulement, chaque épisode durant entre quarante-cinq minutes et une heure.
Fait exceptionnel, La casa de papel ne traite qu’une seule histoire, laquelle raconte comment un commando de révoltés prend d’assaut la fabrique de monnaie, garde en otages tous ceux qui y travaillent, et continue de fabriquer les billets qui, évidemment, seront emportés ensuite. Bénéfice espéré : un milliard d’euros ! Le chef de la bande se fait appeler « Le professeur », est un génie de l’organisation, mais ne participe pas à l’assaut, car il dirige tout de l’extérieur, via les téléphones personnels et le système informatique qui servait à sécuriser l’entreprise nationale. Or son projet est original : il s’agit pour lui de mettre le public de son côté, en prohibant tout acte de violence, et en traitant bien les otages, puisqu’il compte sur eux pour continuer à fabriquer le butin futur et à creuser le tunnel qui permettra à toute la bande de s’enfuir quand le but sera atteint.
L’originalité de cette histoire, tient en ceci : le professeur rencontre dans un bar l’inspectrice de police chargée de résoudre cet affaire, Raquel, et tous deux tombent amoureux l’un de l’autre, à ce détail près que lui sait qui elle est, alors qu’elle n’a aucun soupçon des activités de son amoureux. Du jamais vu !
Au cours d’une scène capitale de la seconde saison, elle découvre la vérité, mais il la persuade que lui et ses acolytes sont du bon côté, celui de la morale sociale, et lui fait valoir qu’un milliard d’euros, c’est peu de chose en comparaison de ce que perpètre la Banque Centrale Européenne, qui a imprimé et fourni aux banques des centaines de milliards dont les peuples n’ont jamais vu la couleur, en prétextant qu’il s’agissait d’une « injection de liquidités » ! De sorte que l’épilogue voit le couple partir joyeusement profiter de sa toute nouvelle fortune dans une île tropicale, et les voleurs également.
L’action ne faiblit jamais, et décrit abondamment les relations qui s’établissent entre les malfaiteurs et leurs otages, qui sont tous libérés à la fin et recevront un million d’euros chacun !
Cette histoire de gauche est de toute évidence d’inspiration sociale, et le public se range résolument du côté des voleurs. Elle m’a fait penser à cette phrase d’un personnage de L’opéra de quat’ sous, de Bertolt Brecht et Kurt Weill, inspiré d’une pièce, The beggar’s opera, écrite en 1728 par John Gay. Vers la fin de la pièce, un personnage posait la question cruciale : qu’est-ce qui est encore plus malhonnête que de braquer une banque ? Réponse : fonder une banque ! Comment ne pas approuver ?