Que doivent faire les interprètes ?

Publié le par Yves-André Samère

Hier, j’ai entendu Nagui donnant son avis sur le métier d’acteur. Bien entendu, son opinion était purement personnelle, et la voici : les acteurs « devraient enrichir » le texte fourni par les auteurs, selon leur tempérament. De même, les musiciens devraient aussi enrichir la partition du morceau qu’ils jouent, et donner libre cours à ce que leur suggèrent leurs conceptions de ce qu’ils interprètent.

Il va sans dire que je suis d’un avis diamétralement opposé ! Si on suit ce genre d’élucubration, les interprètes en savent davantage, sur l’œuvre interprétée par eux, que les écrivains et les compositeurs.

C’est ainsi que, pour L’école des femmes, de Molière, il serait parfaitement légitime et pas du tout absurde qu’Arnolphe, dont le texte dit que c’est « un barbon », soit joué par un gaillard athlétique portant ses domestiques sur son dos, et que le jeune Horace se roule par terre en poussant de petits cris ; que, dans Le mariage de Figaro, de Beaumarchais, le personnage principal dise sa tirade sur le pouvoir abusif des aristocrates, assis au bord de la scène, les pieds pendant au-dessus de la fosse d’orchestre, et en murmurant, ou que Chérubin soit joué par un acteur de vingt-cinq ans, alors qu’il doit en avoir treize ; que, dans Cyrano de Bergerac, le personnage de Cyrano s’envole, soutenu par des câbles, dans la scène du balcon ; que, au dernier acte de La puce à l’oreille, de Feydeau, le personnage du ridicule Bouzin se suicide en se jetant dans une cage d’escalier ; que, dans Le misanthrope, l’actrice jouant Célimène se vautre sur une table en se dépoitraillant ; que, dans le Caligula d’Albert Camus, un vieux sénateur soit joué par une femme, et que les jeunes Romains, fumant des cigarettes, déboulent sur scène à moto. Et j’en passe, à quoi j’ai assisté, voire de bien pires.

Mon avis est donc qu’un interprète ne doit pas faire autre chose que respecter rigoureusement l’œuvre qu’on lui donne à jouer. Se comporter autrement, c’est se prendre pour un auteur.

Écrire ci-dessous une ânerie quelconque :

D
Evidemment ! S'ils ont envie de "créer", qu'ils écrivent eux-mêmes ! C'est comme si on rajoutait des lunettes sur l'original de la Joconde, qu'on improvisait sur un nocturne de Chopin, etc... Le respect d'une œuvre permet justement à l'artiste d'exprimer toutes les nuances de ce qu'il ressent intimement. Plutôt que de faire le guignol. Ce n'est qu'une facilité, pas de l'art.
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Y
« Le respect d’une œuvre permet justement à l’artiste d’exprimer toutes les nuances de ce qu’il ressent intimement »... à condition de ne pas en faire trop ! Un interprète n’est pas propriétaire de l’œuvre qu’il défend.