Faire valser l’anse du panier
Curieux comportement, chez les princes qui nous président : cet état, sur eux, a un effet magique, puisque, à peine installés dans les meubles de la République, ils se croient à l’abri de tout et font alors valser l’anse du panier, en tapant dans la caisse.
Le premier qui s’est conduit ainsi, ça a été Giscard, qui usait des avions que l’État avait eu la faiblesse de mettre à sa disposition et qui en profitait pour aller chasser le gros gibier en Afrique – très précisément, en Centrafrique, chez son « cousin » Bokassa, jusqu’à ce que ledit Bokassa se fâche de le voir tourner autour de sa femme (pourtant, il en avait seize autres), et rompe avec lui. Pour le punir, Giscard envoya une compagnie de « barracudas » afin de le détrôner. Le comportement du père eut un effet merveilleux sur ses deux fils, puisqu’ils volèrent un jour un ordre de mission pour un avion du GLAM (Groupement de Liaisons Aériennes Ministérielles) afin d’aller chasser la grouse en Écosse.
Puis il y a eu Mitterrand, qui avait recruté tout un escadron de gendarmes pour veiller sur sa fille Mazarine (c’est Prouteau, un colonel, qui la conduisait à l’école !). Lui ne se servait que d’un hélicoptère pour aller dîner à l’autre bout de la France, et passait ses vacances à Venise, modeste villégiature comme on sait.
Pour sa part, Chirac, d’abord installé à la mairie de Paris, et que le nouveau maire, Jean Tiberi, a eu toutes les peines du monde à faire déguerpir du vaste logement de fonction de 1050 mètres carrés où il se prélassait, entre deux gueuletons dont chacun coûtait quatre mille francs par jour à la République (les fameux « frais de bouche »), avait acheté le château de Bity pour une somme dérisoire, puis, installé à l’Hôtel Matignon, avait fait classer ledit château à l’inventaire des monuments historiques, laissant ainsi à l’État la note des frais d’entretien et de rénovation du bâtiment, tout comme il avait fait installer, sur la route conduisant à son castel, un escadron de gendarmerie, chargé d’empêcher les touristes de venir troubler son sommeil. Pour ce qui était de ses vacances, c’est au Japon qu’il se rendait fréquemment, et la rumeur chuchotait qu’il y avait un fils caché. Ce coucou, toujours logé chez les autres, n’a jamais payé un loyer de sa vie, et il est actuellement hébergé par la famille d’un ancien Premier ministre libanais, sur le Quai Voltaire.
Bien entendu, Sarkozy n’a pas changé la coutume, et il allait très souvent prendre ses repas à l’Hôtel Bristol, l’un des rares palaces de Paris : c’était pratique, cet hôtel de luxe est situé dans la même rue que le palais de l’Élysée. Eh oui, on ne peut pas toujours aller festoyer au Fouquet’s, ni passer ses vacances sur le yacht de Bolloré.
Quant à Macron, il a fêté l’un de ses anniversaires en louant le château de Chambord, humble masure que tout un chacun peut s’offrir pour une bouchée de pain, on le sait. Le pauvre n’a pas pu louer le château de Versailles, car Ghosn, l’ex-pédégé de Renault, l’avait loué avant lui.
Ce n’est pas tout, car, après les présidents de la République, il y a de quoi faire avec les sous-fifres que sont les ministres, qui ne sont pas moins gourmands, l’exemple aidant. Ce sera pour la prochaine fois !