Les dieux de la littérature
Il paraît que Marcel Proust, tout comme Voltaire avant lui, était « un dieu de la littérature ». Or, ce matin, en lisant sa nouvelle La fin de la jalousie, je suis tombé, sans l’avoir cherché, sur une belle faute de français. « Je t’en prie, n’arrive pas après huit heures et quart, parce que j’ai très faim ».
« Avoir TRÈS FAIM » est une insulte faite à la grammaire ! En effet, très est un adverve, et les adverbes, en bon français, doivent nuancer le sens des verbes et des adjectifs. Or faim est un NOM. Il ne peut donc pas être introduit par un adverbe. CQFD.
Ce matin aussi, sur France Inter, Amélie Nothomb déplorait l’abandon de la syntaxe, car on en arrive au point où les gens ne parviendront plus à s’exprimer, faute de SAVOIR comment constituer une phrase qui tienne debout, et à quoi servent les verbes, les noms, les adjectifs, les adverbes. Je suis d’accord avec elle : peu importe les fautes d’orthographe (récemment, j’ai cité le nom de François de Closets, très bon écrivain et journaliste scientifique, qui n’a jamais eu de notion d’orthographe), la syntaxe et le sens des mots sont bien plus importants que l’orthographe, dont la méconnaissance ne compromet pas la compréhension du propos.
Or cette méconnaissance gagne tous les milieux, y compris chez ceux dont le métier est de parler au public. Ainsi, dès ce matin, peu avant neuf heures, Nicolas Demorand demandait à Augustin Trapenard comment il allait, et la réponse de ce grand littéraire a été succincte : « Ça va super ». Ce charabia était-il un moyen de caresser dans le sens du poil les jeunes crétins en âge scolaire ne possédant qu’une trentaine de mots (dont la moitié en globish), ou de montrer combien ce quadragénaire, lui aussi, était (resté) jeune ? Dire que, l’année dernière, un jury pas du tout complaisant lui a donné un prix du « meilleur intervieweur de l’année » ! Il y a quatre ans, je l’avais un peu étrillé pour son comportement de pitre au Grand Journal de Canal Plus, et il m’avait écrit pour me proposer que nous discutions. Je n’ai pas répondu, n’ayant pas de temps à perdre.