Les dieux de la littérature

Publié le par Yves-André Samère

Il paraît que Marcel Proust, tout comme Voltaire avant lui, était « un dieu de la littérature ». Or, ce matin, en lisant sa nouvelle La fin de la jalousie, je suis tombé, sans l’avoir cherché, sur une belle faute de français. « Je t’en prie, n’arrive pas après huit heures et quart, parce que j’ai très faim ».

« Avoir TRÈS FAIM » est une insulte faite à la grammaire ! En effet, très est un adverve, et les adverbes, en bon français, doivent nuancer le sens des verbes et des adjectifs. Or faim est un NOM. Il ne peut donc pas être introduit par un adverbe. CQFD.

Ce matin aussi, sur France Inter, Amélie Nothomb déplorait l’abandon de la syntaxe, car on en arrive au point où les gens ne parviendront plus à s’exprimer, faute de SAVOIR comment constituer une phrase qui tienne debout, et à quoi servent les verbes, les noms, les adjectifs, les adverbes. Je suis d’accord avec elle : peu importe les fautes d’orthographe (récemment, j’ai cité le nom de François de Closets, très bon écrivain et journaliste scientifique, qui n’a jamais eu de notion d’orthographe), la syntaxe et le sens des mots sont bien plus importants que l’orthographe, dont la méconnaissance ne compromet pas la compréhension du propos.

Or cette méconnaissance gagne tous les milieux, y compris chez ceux dont le métier est de parler au public. Ainsi, dès ce matin, peu avant neuf heures, Nicolas Demorand demandait à Augustin Trapenard comment il allait, et la réponse de ce grand littéraire a été succincte : « Ça va super ». Ce charabia était-il un moyen de caresser dans le sens du poil les jeunes crétins en âge scolaire ne possédant qu’une trentaine de mots (dont la moitié en globish), ou de montrer combien ce quadragénaire, lui aussi, était (resté) jeune ? Dire que, l’année dernière, un jury pas du tout complaisant lui a donné un prix du « meilleur intervieweur de l’année » ! Il y a quatre ans, je l’avais un peu étrillé pour son comportement de pitre au Grand Journal de Canal Plus, et il m’avait écrit pour me proposer que nous discutions. Je n’ai pas répondu, n’ayant pas de temps à perdre.

Écrire ci-dessous une ânerie quelconque :

P
'' Du côté de chez Swann '' constitue une bonne introduction. Il faut de toute façon une certaine patience pour s’accommoder de Proust. Mais une fois qu'on est dedans... Miam !
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Y
Je n’ai peut-être pas le temps. Ou pas la patience. Ou pas l’intelligence. J’en suis au stade Amélie Nothomb, qui produit des textes courts.
P
C'est très intéressant ! On y retrouve certains futurs aspects de la première partie de '' Du coté de chez Swann '', notamment lorsque Marcel décrit ses premières lectures à Combray.
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Y
Cela dit, on m’a toujours dit qu’il valait mieux ne pas commencer par ce livre, et que d’autres, ultérieurs, sont plus intéressants. Mais je ne suis pas capable d’en juger.
P
Bonjour. Avez-vous lu '' Sur la lecture '' de ce même Proust ?
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Y
Pas encore, car j’ignorais que j’avais ce texte. Mais à présent, je sais où il se trouve : c’est la préface, écrite par Proust, d’un ouvrage de John Ruskin, écrit en 1865, et traduit par Proust en 1906. Le texte est dans les “Œuvres complètes” de Proust, et bien caché. À présent que je connais sa cachette, je vais pouvoir le lire.
D
A. Nothomb a été très bien, ce matin, simple, efficace sans être pédante, un régal. Notamment quand elle a répondu à un auditeur scandalisé, et énervé, par le sujet de son roman : sans agressivité, sans essayer de se justifier, exposant simplement son point de vue. C'était réconfortant.<br /> Quant à Trapenard, il m'est impossible de l'écouter, tellement il est onctueux, il pose à l'intellectuel branché, bref j'ai fui. En plus, et j'ai un peu honte de le dire, je le trouve très vilain physiquement. Moix me fait le même effet.
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D
Et puis (j'ai trop vite validé mon message !), j'en ai carrément marre de ces écrivains qui parlent de leur nombril, mon nombril et moi, j'introspecte et j'écrivaille pour me sentir mieux. Heureusement qu'il y a dans le monde une autre littérature !
D
Pour Moix, son père et son frère s'insurgent là-dessus : ils disent que Moix n'a jamais admis la présence de son frère cadet, et a essayé, entre autres, de le défenestrer.<br /> Or, Yann Moix n'est pas à son coup d'essai pour se faire remarquer... j'ai un peu de réticences à l'encontre de son récit. J'ai écouté une partie du Masque et la Plume, et ils n'étaient qu'éloges à son sujet. Il a du talent, sans doute (je n'ai rien lu de lui), mais l'objet de son roman me semble sujet à caution.
Y
Oui, ce crétin d’auditeur lui a reproché de travailler “pour le fric”. Comme si elle volait l’argent qu’elle gagne par son travail !<br /> <br /> Pour Trapenard et Moix, j’ai la même aversion. Mais Moix aurait l’excuse d’avoir été un enfant martyr. Il raconte ça dans son dernier livre, ”Orléans”. Que je n’ai pas encore lu.