Les fables de Mocky
La mort, hier, de Mocky, nous aura au moins valu une bonne occasion de rigolade. Ah, les caravanes de gogos qui ont cru à tous ses bobards ! J’ai même reçu le message d’un naïf, ou d’un farceur, qui songe, dit-il, à se suicider parce qu’il ne supporte pas le décès de cet imposteur. Lisez plutôt, histoire de vous décrasser l’esprit, ce que disait CET ARTICLE. Sur son mensonge où il déblatérait à propos du tournage à l’Île du Levant – « où tout le monde tournait à poil » –, du dernier film de Laurel et Hardy, Atoll K, que j’ai vu et où il prétendait avoir tenu un rôle sans que jamais il apparaisse à l’écran, il faudrait demander à Suzy Delair, qui y jouait vraiment, elle, et comme elle vit encore (elle a eu cent un ans en décembre), elle se marrerait bien, telle qu’on la connaît. Même le lieu de tournage qu’il cite est faux, le film ne s’est pas fait à cet endroit, mais en trois autres endroits au moins, situés à des dizaines de kilomètres de cette île, et sur la terre ferme, notamment à Marseille, à Nice et à Boulogne-Billancourt. Dans des studios, pas sur des plages nudistes...
Il y a aussi son manque d’argent pour faire ses films. Je l’ai vu en personne, lors d’une présentation d’un de ses films à Villeneuve-d’Ascq, arriver au volant d’une bagnole de luxe. Mais savez-vous où il habitait ? Dans l’arrondissement le plus cher de Paris après le sixième, Quai Voltaire, près de l’Académie française, là où vivait Montherlant et où Chirac squattait un appartement que lui prêtait la famille d’un ancien Premier ministre libanais. Et s’il pouvait engager des vedettes dans ses films, c’est qu’il les payait au tarif syndical, or elles acceptaient afin de varier un peu leur emploi, ce que recherchent tous les acteurs soucieux de se faire valoir. D’ailleurs, en général, à l’exception de Bourvil – avec qui il s’est brouillé quand leur film La grande frousse a fait un bide –, et de Serrault, qui s’est montré plus fidèle, il faisait rarement un second film avec le même acteur.
Mais l’histoire burlesque de son mariage, « à treize ans », avec la fille qu’il avait mise enceinte et qu’il a pu épouser avec l’autorisation du chef de l’État, elle ne vous fait pas pouffer ? Si on croit ce qu’il racontait, qu’il était né en 1929 (ben oui, s’il est mort à quatre-vingt-dix ans, en 2019 !), cela a dû se passer en 1942. Vous imaginez que le chef de l’État de l’époque, un nommé Pétain, antijuif comme on le connaît – c’est lui a fait promulguer les premières lois antijuives avant même que les nazis le lui demandent –, aurait accepté le mariage d’un petit Juif de treize ans et père d’un bébé illégitime, puritain comme l’était ? Mais tout le monde, dans les médias, a gobé cette fable, parce qu’elle faisait du buzz !
Mocky profitait de la crédulité du public – lire les commentaires larmoyants des journaux sur Internet – et de la roublardise des médias, dont on ne peut croire que tous acceptaient ses fables comme de l’argent comptant.