Néron : 4a. L’incendie de Rome
Au contraire de Michel Onfray, qui croit (ou feint de croire) que Néron a fait incendier Rome, je ne crois pas un mot de cette légende stupide. Et j’ai à cela plusieurs raisons.
Cet incendie s’est déclaré le 19 juillet 64, donc en plein été, au centre d’une ville où la chaleur peut s’avérer étouffante, et je peux en témoigner, puisque je m’y suis trouvé à la même époque de l’année. Le sinistre a commencé au Circus Maximus, long de 650 mètres et capable de contenir trois cent vingt mille spectateurs, et l’incendie a détruit trois quartiers et atteint sept autres, sur les quatorze quartiers de la ville. Bref, un cinquième de la ville est détruit. Et Néron ?
En 64, Néron, lui, désireux de fuir la canicule, s’était réfugié à Antium, au bord de la Méditerranée, villégiature où il possédait une villa. Dès que la nouvelle a été connue, l’empereur a regagné sa capitale, en quatre heures, pour découvrir Rome dans un état effroyable, car la ville, faite de maisons de petite taille et toutes en bois, était chaque année victime d’incendies, quoique jamais avec une telle gravité. Beaucoup d’habitants ne peuvent même pas fuir, car environnés de tous côtés par les flammes. Or l’incendie est à ce point étendu et violent qu’il n’est pas possible de l’éteindre ; le circonscrire, tout au plus. À la fin du deuxième jour, on croit qu’il va s’apaiser, mais, dès le lendemain matin, il reprend de plus belle. Il aura fallu une semaine entière pour en venir à bout.
Dès qu’il arrive sur les lieux, Néron donne les ordres nécessaires pour arrêter le fléau, fait évacuer ce que son propre palais, la Maison Dorée, contient de plus précieux, ouvre ses jardins à l’immense foule des sinistrés, et fait construire des baraquements pour abriter ceux qui ont tout perdu. Tous les historiens sont d’accord, il paie de sa personne et s’assure que les secours qu’il a ordonnés sont exécutés.
Signalons qu’à cette époque, Rome compte déjà un million trois cent mille habitants, voire plus, dans un périmètre fort exigu (la moitié de la superficie de la Rome actuelle), et la population y est entassée. Mais c’est surtout le centre qui est détruit : le Circus Maximus, le Forum, l’atrium des Vestales, la Basilica Regia, le sanctuaire de Jupiter Stator, le temple de la Lune, le grand autel et le temple d’Hercule, le palais de Numa et l’ancienne demeure d’Auguste, la Domus Augustiana, entièrement détruite, et... le palais même de Néron.
Évidemment, après cela, le peuple de Rome réclame un coupable. Mais à aucun moment la populace n’accuse Néron. On a prétendu que lui-même avait accusé les chrétiens, mais c’est faux, les chrétiens à cette époque ne sont pas nombreux à Rome, et on pense que cette accusation venait des Juifs, beaucoup plus nombreux à Rome que les chrétiens, qui étaient environ quinze à vingt mille en l’an 150, soit environ deux mille cinq cents en 64, dont seulement trois à quatre cents adultes. Vrai ou faux, on n’en sait toujours rien.
Mais les chrétiens alors condamnés sont décapités s’ils sont citoyens romains, ou crucifiés s’ils ne le sont pas. Nul n’a témoigné que les condamnés ont été transformés en torches vivantes, comme l’aurait prétendu Tacite (or on n’a trouvé cette accusation que dans un paragraphe datant du onzième siècle). Le point important, c’est que cette condamnation est la première qui frappe les chrétiens, mais on a vu pire par la suite. Et aucun auteur de l’époque n’en a parlé, pas même Paul dans ses Épîtres ! On n’a donc aucune preuve que ces massacres ont eu lieu.
Cet article aura une suite, afin de fouiller un peu dans la légende. Patience...