Le nom « gadget » est-il né aux Amériques ?
Les gémisseurs permanents (dont je suis, ne m’embêtez pas) prétendent souvent que la langue française serait envahie par les mots anglais. Je ne sais pas si nous sommes envahis par le vocabulaire britannique, mais prenons un exemple pour tâcher de montrer que c’est le contraire. Autrement dit, que c’est plutôt les Britanniques qui sont envahis par les mots français.
Tenez, voyez plutôt un envahisseur : le nom gadget. De toute évidence, gadget sonne britanniquement – si j’ose ce néologisme. Or, c’est entièrement faux, puisque ce mot est d’origine française. Expliquons.
À la fin du dix-neuvième siècle existait à Paris une entreprise de fonderie, nommée Gaget, Gauthier et Compagnie. Son directeur s’appelait M. Gaget, qui fut à l’origine des statuettes représentant en France la statue de la Liberté, née elle aussi en France, pour être offerte aux entreprises états-uniennes. Cette gigantesque statue, construite à Paris en pièces détachées, fit le voyage vers les États-Unis, et installée sur une île du fleuve Hudson, où elle trône toujours. Et je rappelle que si, financièrement, l’argent qu’elle rapporte tombe dans les caisses de la ville de New York, elle n’en est pas moins, géographiquement, sur le territoire de la ville qui se trouve sur l’autre rive du fleuve, nommée... Bayonne (si si !). Donc la statue de la Liberté se trouve à Bayonne, dans le New Jersey, et non pas à New York, ce qui a fait hurler certains de mes lecteurs un peu fossilisés lorsque j’ai révélé ce minuscule détail, ICI, et qui bousculait les idées reçues !
Reste les acheteurs qui, touristes à Paris, firent l’achat du modèle miniaturisé. Ils s’en tirèrent en prononçant son nom à leur manière, accent compris. Ce qui donna « gadjette ». Importé aux « États-Unis », le patronyme demeura.
Pauvre M. Gaget, rebaptisé malgré lui. Aujourd’hui, ce détail est bien oublié, mais le gadget est resté !