Les tribulations d’un client de la Poste
Comme j’ai perdu ma carte bleue il y a six jours, j’ai évidemment fait opposition par téléphone, et réclamé un duplicata. Entretemps, rien n’est venu, et j’ai téléphoné aujourd’hui de nouveau. Il est vrai que mon compte est au Centre de Chèques Postaux de Paris, c’est-à-dire au bout du monde, à un endroit tout à fait inaccessible... Là, on me dit d’attendre une semaine de plus. Je comprends très bien : l’État français a décidé de dégoûter de la Poste ses nationaux, afin de préparer les esprits à la privatisation. C’est Chirac qui avait autrefois eu cette idée, mais avec Macron, soyez tranquille, ça va se faire.
De guerre lasse, j’ai décidé d’opérer un retrait sur le même compte, en utilisant mon carnet de chèques, à la Poste de mon quartier. Déjà, premier obstacle : l’esclave préposé au filtrage des clients veut me barrer la route, sous le prétexte que je ne porte pas de masque (je n’en porte JAMAIS ! Les masques, c’est supportable à Venise, pas au centre de Paris). Le gars me conseille alors d’aller à la pharmacie la plus proche pour en acheter un. Non, mais, tu m’as regardé, andouille ? Illico, je l’envoie chez Plumeau, comme écrivait naguère San-Antonio, et je passe. Le crétin des Alpes me court après, insistant pour me verser dans les mains le liquide magique, censé me protéger de tout. Bon prince, je me frotte les mains humidifiées, puis gagne le premier comptoir libre, dont l’occupant profite de ma présence pour partir faire autre chose, qui lui semble plus important que ma petite personne. Je me rabats sur une fille qui squatte le guichet voisin, et qui me demande combien je veux retirer. Au hasard, je lance « trois mille euros », somme qui devrait suffire à soutenir mon existence pour finir la semaine. Mais elle me révèle que la Banque Postale (c’est le nom ronflant que la Poste s’est attribué) ne permet que des retraits ne dépassant pas les mille cinq cents euros. Mais ils veulent ma mort ! Va pour mille cinq cents...
Mais, à présent, je dois remplir un imprimé détaillant ma vie entière, y compris mes ressources mensuelles ! Et puis quoi encore ?
Cela fait, la demoiselle me remet une carte magnétique, censée ne servir qu’une fois, et qui me permettra de retirer au distributeur la somme légale autorisée par Macron et ses sbires. Le distributeur ne me permettra pas un autre retrait, puisqu’il avale la carte et ne me la rend pas. Je fais main basse sur le liasse de billets, et je quitte cet endroit de perdition, en me promettant de ne plus jamais y mettre les pieds.