« Cluster » ?
Il y a seulement six mois, le mot cluster était totalement inconnu du « grand public », et seuls les passionnés d’informatique en connaissait le sens : il désignait le plus petit groupe d’octets – composé de huit chiffres 0 ou 1, généralement regroupés – qu’on enregistrait sur le disque dur de nos ordinateurs. C’était donc un code, une notion plutôt réservée aux initiés. Puis il a pris la fantaisie, aux amateurs de complications grenouillant dans les milieux gouvernementaux, de l’utiliser pour désigner le plus petit groupe de malades rendus contagieux par le nouveau virus qui ravage les esprits et les corps, justement parce que ce mot, presque personne ne le connaissait ! On fabrique la mode avec ce qu’on trouve et qui, bien sûr, restait jusque là confidentiel.
Depuis cette initiative mirobolante, cluster est partout et il ne se passe pas d’heure sans que les radios-télévisions et autres organes d’informations le casent, pour en ravir nos oreilles et nos esprits. Naturellement, nul ne s’est préoccupé d’en donner le sens à ces crétins de citoyens, qui n’ont pas besoin de comprendre le langage ésotérique des princes qui nous gouvernent : il suffit qu’ils l’utilisent, même sans le connaître. En Afrique, le peuple parle des en-haut d’en-haut, expression totalement inconnue chez nous, et chacun y sait ce que cela veut dire.
Cette mode traduit bien le mépris dont nos chers dirigeants font preuve à notre égard, et qu’exprime parfaitement le comportement de Monsieur Not’ Bon Maître, cet arrogant qui ferait passer Sarkozy pour un modèle de simplicité, règne dans les hautes sphères où nous n’avons pas accès, et se plaît à manier le charabia ésotérique que ses prédécesseurs, eux-mêmes, n’utilisaient pas, faute de le pratiquer dans leur privé. Cette Précieuse Ridicule fera école, on le devine, et présidera à l’inhumation de la langue nationale.
De profundis.