« Cluster » ?

Publié le par Yves-André Samère

Il y a seulement six mois, le mot cluster était totalement inconnu du « grand public », et seuls les passionnés d’informatique en connaissait le sens : il désignait le plus petit groupe d’octets – composé de huit chiffres 0 ou 1, généralement regroupés – qu’on enregistrait sur le disque dur de nos ordinateurs. C’était donc un code, une notion plutôt réservée aux initiés. Puis il a pris la fantaisie, aux amateurs de complications grenouillant dans les milieux gouvernementaux, de l’utiliser pour désigner le plus petit groupe de malades rendus contagieux par le nouveau virus qui ravage les esprits et les corps, justement parce que ce mot, presque personne ne le connaissait ! On fabrique la mode avec ce qu’on trouve et qui, bien sûr, restait jusque là confidentiel.

Depuis cette initiative mirobolante, cluster est partout et il ne se passe pas d’heure sans que les radios-télévisions et autres organes d’informations le casent, pour en ravir nos oreilles et nos esprits. Naturellement, nul ne s’est préoccupé d’en donner le sens à ces crétins de citoyens, qui n’ont pas besoin de comprendre le langage ésotérique des princes qui nous gouvernent : il suffit qu’ils l’utilisent, même sans le connaître. En Afrique, le peuple parle des en-haut d’en-haut, expression totalement inconnue chez nous, et chacun y sait ce que cela veut dire.

Cette mode traduit bien le mépris dont nos chers dirigeants font preuve à notre égard, et qu’exprime parfaitement le comportement de Monsieur Not’ Bon Maître, cet arrogant qui ferait passer Sarkozy pour un modèle de simplicité, règne dans les hautes sphères où nous n’avons pas accès, et se plaît à manier le charabia ésotérique que ses prédécesseurs, eux-mêmes, n’utilisaient pas, faute de le pratiquer dans leur privé. Cette Précieuse Ridicule fera école, on le devine, et présidera à l’inhumation de la langue nationale.

De profundis.

Écrire ci-dessous une ânerie quelconque :

T
Le mot cluster est également employé dans le domaine musical, où il s'agit également d'une grappe, mais de notes, qui trop rapprochées, ne forment pas un accord (la disposition est pleinement in-harmonique).<br /> Employées comme telles à partir du vingtième siècle, on en trouve des traces dans la musique ancienne, où l'effet est parfois à rapprocher de celui de l'acacciature.
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Y
Malheureusement, je ne sais à peu près rien de la musique ancienne. Merci toutefois pour ce renseignement.
D
OK pour parler Anglais quand c’est dans un contexte précis voire un peu jargonnant mais en l’occurrence c’est en effet parfaitement inutile et cela peut même laisser croire que le mot cluster serait propre uniquement à ce contexte de contamination, ce qui comme indiqué par M’sieur Samère n’est pas le cas.<br /> J’ajoute qu’en informatique également le mot cluster était utilisé à la fin des années 1980 par la compagnie Digital Equipment Corporation (DEC) qui proposait des ordinateurs d’entreprise, des Vax que l’on pouvait mettre en réseau, et ce réseau s’appelait un cluster, terme dès lors bien connu des utilisateurs de l’époque dont j’ai fait partie.<br /> DEC s’est forgée un temps une certaine notoriété, se posant même en concurrente de la série 36-38 des IBM de l’époque. Ces machines étaient performantes mais n’ont pas résisté à la montée en puissance des stations graphiques et des micro-ordinateurs, qui offraient une alternative meilleur marché à service rendu comparable. La compagnie a été rachetée par Compaq elle-même ensuite rachetée par HP (Hewlett-Packard). Sic transit gloria mundi ...<br /> <br /> Don Liau
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Y
Je n’ai retenu, pour « cluster », que le terme qui m’était le plus familier, puisque j’ai fait pas mal d’informatique au temps où je cherchais à craquer les logiciels payants (et y parvenais souvent). Eh oui, j’ai un peu joué les pirates. Mais en un temps où on glorifie Rimbaud, on peut bien se glorifier d’avoir été Cartouche, qui a été beaucoup plus fréquentable, à mon avis.
D
A l'origine, ce mot a un sens plus.... botanique entre autres. Grappe, petit bouquet, petit groupe de personnes par extension. J'y vois surtout pour son usage en français une sorte de fainéantise (il faudrait chercher un mot équivalent en français, pfouh), d'élitisme (si tu ne comprends pas, tu es un crétin), et puis c'est tellement bien de saupoudrer ses phrases de mots "savants". Je me souviens de la réponse d'Antoine de Caunes à propos de sa manie de diffuser dans son émission d'Inter des extraits de films états-uniens sans les traduire "tant pis pour ceux qui ne comprennent pas". Bravo le service public... qu'il semble totalement ignorer. Il n'est pas le seul : la mode, les cosmétiques, l'art contemporain, les séries ou les films dont on ne traduit même plus les titres, et j'en passe. Je me sens devenir québécoise !
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Y
J’ai écrit des tas d’articles où je raillais la manie bien française de traduire les titres originaux en bon anglais par... des titres en anglais de cuisine, dans le genre « Very bad trip » alors que le film avait pour titre « The hangover ». Lire, cette semaine en page 5 du « Canard », le papier de David Fontaine qui, des années après moi, s’attaque enfin au même sujet.