Une démolition n’est pas une « chute » !
Dès l’enfance, j’ai haï les clichés. Pas les photos, car j’en ai beaucoup pris et j’aimais assez cette activité. Non, je parle de ces mots et expressions que chacun répète sans jamais s’interroger sur le sens de ce qu’ils sont censés dire. Par exemple, dire systématiquement « Bon appétit » lorsqu’on se met à table, ou « Bonne année » le premier jour de l’année (j’ai raconté cela quelque part, et les raclées paternelles que cela me valait régulièrement chaque premier janvier). Ou dire « Pardon » lorsqu’on s’efface pour laisser passer quelqu’un, qui n’est qu’une simple marque de courtoisie. Ou dire « C’est compliqué » quand on veut exprimer que telle action est impossible, grotesque erreur d’appréciation de langage. Ou embrasser tout le monde le jour de Noël, coutume aussi ridicule que répugnante, en fin de compte. J’en passe, et de pires, or j’estimais et j’estime toujours que ces mensonges ne relèvent que du vœu pieux, et, même avant mes six ans, je refusais de me plier à la coutume. Pourtant, en fin de compte, j’ai gagné, et, au bout de quelques années, ma famille a renoncé et, au lieu de tenter de me dresser, m’a fichu la paix : j’étais celui qui « ne fait rien comme tout le monde ».
Cette aversion pour les automatismes du langage n’est pas près de disparaître, et je compte bien m’en tenir à mon point de vue – qui d’ailleurs n’est pas un « point de vue », mais une conviction profonde.
Les exemples fourmillent, et l’un des plus ridicules mais tenaces est cette référence au Mur de Berlin. Faites une recherche sur Internet, écoutez les radios : partout, on ne cite que la CHUTE du Mur de Berlin ! Comment se fait-il que personne, absolument PERSONNE, n’a jamais eu conscience qu’une chute est un évènement accidentel, qui n’a rien à voir avec les faits produits à Berlin en novembre 1989 ? Délabyrinthons un peu : si un ouvrier couvreur tombe du toit qu’il était en train de rafistoler, c’est un accident, pas une chute. Si un adepte des sports dangereux saute en parachute du haut d’un avion, c’est un saut, pas une chute. Si un nageur se jette dans l’eau d’une piscine, c’est un plongeon, pas une chute.
Mais la destruction du Mur de Berlin n’a pas été accidentelle ! Loin de là. Ce fut une démolition, planifiée, organisée, les nouvelles autorités de la ville se sont efforcées de rameuter les journalistes, et tout à l’avenant. Où donc voit-on une chute ?
Franchement, je ne remarque pas, en cette organisation, le moindre accident. Ce fut, bien au contraire, une entreprise de propagande, et elle a conservé cette réputation, puisque, aujourd’hui encore, nul ne remet en doute cette version fallacieuse.
Je ne remets pas en cause le but suprême de l’opération, car il importait d’effacer toutes les entreprises mises en place par le Parti communiste. Et on imagine assez bien qu’il avait fallu pour cela une complicité de TOUS les organes d’information. Mais qu’il ne se soit jamais trouvé une voix pour adopter et répandre l’esprit de cette imposture pourtant manifeste, c’est évident.