La vérité sur le vase “de Soissons”
L’Histoire de France telle qu’on vous l’a certainement enseignée à l’école est truffée d’anecdotes bidons. Ainsi, celle de Clovis et du vase de Soissons, où l’on voit un soldat briser un vase demandé par Clovis, puis la vengeance royale, quand Clovis brise en retour le crâne du même soldat quelques mois plus tard : « Souviens-toi du vase de Soissons ! », ricane alors Clovis.
Il est vrai que, lorsqu’il accède au pouvoir, en 482 à la mort de Childéric, son père, Clovis n’a que quinze ans. Il est alors à la tête d’une des tribus franques qui peuplent le nord de l’Europe – les Saliens, installés dans le territoire qui correspond à la Belgique actuelle. Et sa tribu n’est pas tellement puissante, comparée aux autres groupes de Francs qui peuplent la région, ou face à l’Empire romain. Mais il ne manque pas d’ambition, et, avec la poignée d’hommes qu’il a sous son commandement, il commence par faire assassiner ses rivaux, ou même certains membres de sa propre famille, pour éviter de se faire renverser, et pour étendre le territoire de son royaume en s’emparant d’autres tribus franques. Dans la plupart des cas, il arrive en pays conquis, son image de force et sa popularité jouant en sa faveur face à des chefs barbares qui ont souvent recours à la violence.
Mais revenons à Soissons. Là, Clovis réunit ses troupes pour le partage du butin après la victoire et les pillages traditionnels, dont ceux de certaines églises du diocèse de Reims, situé à une soixantaine de kilomètres de Soissons, et mises à sac – ce qui n’est pas du goût de Remi, alors évêque de Reims. Cet évêque demande alors à Clovis de lui restituer un grand vase liturgique, probablement en argent, mais Clovis, bien que roi, ne peut se permettre de prélever autoritairement ce vase du butin pour le rendre à Remi, et, lors du partage qui ne lui attribue que le cinquième du butin, le tirage au sort ne lui affecte pas le vase convoité. Il demande alors aux soldats de lui céder le vase en plus de sa part. Mais un soldat sort du rang et frappe le vase de sa francisque en criant : « Tu ne recevras que ce que le sort t’attribuera vraiment ! ».
Or, contrairement à la version répandue dans toutes les écoles depuis ce temps, le vase, en argent, résiste au choc. Clovis peut alors le faire remettre à Remi. Ainsi, le vase de Soissons (en réalité de Reims), ne fut jamais brisé ou cassé, mais seulement cabossé, ou tout au plus fendu. Ce que confirma l’évêque dans son testament.
Mais, quelques mois plus tard, en 487, Clovis reconnaît le soldat anonyme lors d’une revue d’armes, et prétend que l’équipement de celui-ci est négligé. Il s’en empare et le jette à ses pieds. Alors que le soldat se penche pour le ramasser, Clovis saisit sa francisque et lui brise le crâne d’un coup violent en s’écriant : « Ainsi as-tu fait du vase de Soissons ! »
Ce récit a bien sûr été prodigieusement enjolivé par la suite, mais ce minuscule évènement, trop ancien et peu documenté, n’intéresse plus assez les historiens pour qu’ils prennent le risque de publier la vérité.