Cabotinage tous azimuts
Les journaux paraissant demain vont sans doute s’extasier sur la retransmission en direct qu’a faite France 2, hier soir, de la pièce Faisons un rêve, de Sacha Guitry, très à la mode en ce moment. C’était d’ailleurs une simple captation, qui ne changeait rien à la représentation ordinaire de la pièce, et non une mise en scène spécialement conçue pour le petit écran, comme Canal Plus en avait réalisé une pour Le misanthrope il y a une quinzaine d’années. Disons tout de suite que j’aime bien Guitry, mais que cette pièce est loin d’être ce qu’il a fait de mieux, car elle semble avoir été rédigée, avant tout, pour que l’auteur, qui en était aussi l’interprète vedette, s’offre un monologue sur un acte entier – festival de misogynie et de cabotinage. Mais en fait, c’est toute la soirée d’hier qui puait le cabotinage.
D’abord, celui du présentateur de l’émission, le journaliste-sic Christophe Hondelatte. Sa spécialité : se faire filmer sous toutes les coutures et se mettre en avant – au détriment parfois du sujet présenté –, et constamment, sous tous les prétextes. C’est ainsi qu’avant le début de la représentation, les caméras le suivent entrant dans le théâtre tout en pérorant, déambulant dans le hall, montant un escalier, pénétrant dans la salle, nommant quelques personnalités qu’on ne verra pas, s’asseyant à côté de Carole Bouquet et lui faisant dire deux ou trois platitudes. Puis, après la représentation, grimpant sur la scène pour y recueillir quelques applaudissements au nom de France 2 – comme s’il avait un quelconque mérite dans le spectacle qu’on venait de voir.
Cabotinage aussi du metteur en scène de la pièce et directeur du théâtre, Bernard Murat. Au vu de la pièce et de la manière dont il n’a pas su maîtriser le jeu de son acteur vedette Pierre Arditi, on comprend pourquoi la plupart des critiques de théâtre le tiennent pour un mauvais metteur en scène. Notamment, il n’a pas su inventer une mise en scène qui justifie que le séducteur reçoive ses visiteurs dans la pièce même, un salon, où il passera la nuit avec sa maîtresse occasionnelle et sur un canapé pliant – comme si un riche avocat, qui collectionne les objets d’art et se fait servir par un domestique, n’avait pas de chambre à coucher... Murat également est venu se faire applaudir en scène. Il n’y avait pas de quoi.
Restent les acteurs. Reconnaissons que Michèle Laroque était excellente, et qu’elle sauvait la représentation. Mais François Berléand, avec son accent marseillais de pacotille, était ridicule. Et surtout, Pierre Arditi n’a jamais été aussi mauvais. Imitant bêtement les gestes et le phrasé de Sacha Guitry, il nous a infligé tout au long de la pièce un tic très irritant qui consistait, pour jouer l’agacement, à se claquer bruyamment la cuisse de la main droite, geste qu’il a répété une bonne centaine de fois. On ne comprend pas comment son metteur en scène a pu laisser passer un jeu de scène aussi pauvre et aussi agaçant, que même au cours Florent on n’oserait pas enseigner. Mais Arditi semblait très content de lui, et le public aussi, c’est donc l’essentiel.