Record de modestie
Une petite anecdote évidemment authentique (sinon, comme disait Carlier, ça n’aurait aucun intérêt) sur l’inamovible patron de la rédaction du « Nouvel Observateur », Jean Daniel, celui qui bat chaque jour des records de modestie. Bien que théoriquement homme de gauche, il se vantait beaucoup d’être l’ami du défunt roi du Maroc, Hassan II, un dictateur de la plus belle eau, assassin de surcroît.
Il y a une dizaine d’années, un de mes amis marocains se retrouve en prison, à Casablanca, pour une sordide histoire de sexe : sa femme avait trouvé des vidéos que l’idiot avait faites d’une de ses incartades avec une autre femme, et le beau-père, qui le haïssait, l’avait dénoncé à la police. L’ami est d’ailleurs resté en prison plusieurs années. Eh oui, le Maroc sous Hassan II, c’était ça, le roi pouvait enlever la femme d’un autre pour la mettre dans son harem, mais ses sujets devaient se tenir à carreau et s’envoyer en l’air dans un cadre uniquement conjugal (éventuellement pluraliste, puisque l’islam autorise quatre femmes légitimes et autant de concubines que l’on veut, mais elles doivent être régulières, si l’on peut dire).
Du fond de sa prison, et par l’intermédiaire d’une de ses sœurs, l’ami me fait passer clandestinement une lettre qui me supplie d’intervenir. J’écris donc à Jean Daniel pour qu’il en parle au roi (la justice, là-bas, c’est ça, vous êtes coupable ou innocent selon ce qu’en décide le roi).
Rendons grâce à Jean Daniel, il m’a répondu immédiatement, et j’ai reçu sa réponse dès le surlendemain.
Teneur de la réponse de Daniel : je ne peux pas intervenir, car, s’il est vrai que naguère, j’ai été l’ami du roi, c’est du passé, et d’ailleurs, c’est plutôt lui qui se voulait mon ami, que l’inverse.
Pas moins !
On imagine sans peine le roi du Maroc courtisant Jean Daniel pour qu’il veuille bien être son ami, et Jean Daniel qui le snobe parce qu’il ne le trouve pas assez bien.