Des bienfaits de l’ordre alphabétique
Hiro-Hito, empereur du Japon né en 1901, fut le dernier allié d’Hitler, et lui survécut quarante-quatre ans (si l’on admet qu’Hitler est bien mort en 1945, ce qui n’a jamais été prouvé). Mais il le précéda dans l’invention des atrocités, puisque son invasion de la Mandchourie date de 1931, alors que les nazis n’étaient pas encore au pouvoir, et que ses méthodes furent, à certains égards, pires que celles des nazis. C’est bien lui qui, en 1936, autorisa par décret impérial l’expansion de l’unité de recherche bactériologique, dite « Unité 731 », laquelle se livra, des années durant, à des expérimentations et à des vivisections sur plusieurs milliers de prisonniers chinois, coréens et russes, dont des femmes et des enfants.
L’empereur du Japon était considéré comme un dieu par ses sujets, qui étaient tous prêts à mourir pour lui et ne remirent jamais en question ni sa politique ni ses crimes. Une nation entière qui approuve les crimes de son dictateur, cela fait des Japonais, à la fois, le peuple le plus stupide et le plus antipathique de la planète.
En toute logique, en 1945, Hiro-Hito aurait dû être jugé puis fusillé comme criminel de guerre, mais un éblouissant miracle fit que nul ne songea à faire justice : parce que les honorables libérateurs du monde libre, les États-Unis, avaient besoin des connaissances acquises par les Japonais dans le domaine de la guerre bactériologique, un pacte fut conclu en 1946 entre le général Douglas Mac Arthur et Hiro-Hito, en vertu de quoi les officiers de l’Unité 731 n’ont pas comparu devant le Tribunal de Tokyo, et les États-Unis troquèrent cette impunité contre les résultats des tests menés par l’Unité. Ce sont les Soviétiques qui se chargèrent de condamner certains membres de l’Unité 731, en 1949, à Khabarovsk. Bref, pas un seul responsable japonais ne fut inquiété par le monde dit « libre », et Hiro-Hito put mourir de vieillesse, en 1989. Après que les États-Unis, c’est leur charmante habitude, ait reconstruit le pays qu’ils avaient dévasté, pour en faire l’un des plus riches du monde. Ce qui explique ce qui suit.
Les obsèques du dieu vivant mais enfin défuncté furent un concours de bassesse : tous les chefs d’État du monde prétendu civilisé s’y précipitèrent. Cette année-là, notre président s’appelait François Mitterrand, celui qui s’était construit une réputation de résistant après avoir été collabo, tout comme il se fit une réputation d’abolitionniste (de la peine de mort) après avoir été le premier pourvoyeur de la guillotine pendant la guerre d’Algérie. Or il se trouve que lesdits chefs d’État, durant les cérémonies, devaient trôner sur une estrade, où le protocole avait prévu de les ranger par ordre alphabétique de leurs noms : pratiquement, les « A » devant et les « Z » derrière ! Avec son « M », Mitterrand se voyait reléguer à une place médiocre, et sa petite taille (déjà !) l’empêchait d’être vu.
Que croyez-vous qu’il se passa ? Ses sous-fifres firent des pieds et des mains pour lui faire attribuer une meilleure place, et ne trouvèrent rien de mieux que de le faire inscrire sous son prénom ! Avec son « F » pour François, Mitterrand gagna ainsi quelques places.
Tout est grand aux Grands...