S’en tirer mieux que Madoff

Publié le par Yves-André Samère

Tout comme les histoires d’amour, les escrocs finissent mal en général (souvenez-vous de Stavisky, « suicidé » d’une balle dans la nuque). Pourtant, il arrive parfois que certains s’en sortent. Tenez, voyez ce fringant sexagénaire qu’est Michael Robert Milken.

Au fait, vous savez ce qu’est une « obligation pourrie » ? Rien à voir avec le devoir conjugal, non. Cette expression, traduite de l’anglais junk bond, désigne l’invention majeure du Milken cité plus haut, lequel possède aussi cette particularité d’être né un 4 juillet, jour de la Fête nationale aux États-Unis, mais ça n’a rien à voir avec le sujet. Donc, un junk bond est une obligation, titre boursier de reconnaissance de dette, remis à un investisseur qui a prêté de l’argent à une firme. Mais il a cette particularité de témoigner un prêt à une firme d’importance moyenne, a priori peu fiable, et contre un intérêt beaucoup plus élevé que de coutume. Si une obligation ordinaire peut rapporter entre 5 % et 8 %, un junk bond peut laisser espérer jusqu’à 20 %... théoriquement ! Milken posa comme principe que cela valait le coup, pour certains investisseurs, de risquer ainsi leur argent, et, en effet, ce pari a si bien fonctionné que la banque Drexel Burnham, à laquelle Milken était associé, fit fortune. Les junk bonds n’ont d’ailleurs pas disparu, bien qu’en définitive l’affaire ait mal tourné et que la banque Drexel Burnham ait fait faillite.

Il faut dire que les junk bonds avaient été un peu détournés de leur utilité initiale par des financiers qui les utilisèrent pour lancer des OPA hostiles sur des sociétés en train de battre de l’aile. Le lanceur d’OPA hostile (offre publique d’achat, consistant à racheter une société en raflant ses actions disponibles sur le marché, sans avoir eu la courtoisie d’en avertir les dirigeants de la cible, donc sans leur accord) vendait très cher ses junk bonds – très cher, puisque ces titres laissaient espérer un haut rendement. Il utilisait ensuite cet argent pour racheter lesdites sociétés en déconfiture, les démembrer, revendre les actifs de valeur, et licencier leurs employés. Exactement la méthode Tapie, soit dit en passant... C’est cette intense activité qui a fait la fortune de la banque Drexel et de Milken.

Ce n’était pas illégal, mais Milken a fait l’erreur de mêler à tout cela une série de délits d’initié, et ça, c’est puni par la loi ! En 1989, il fut inculpé pour... 98 délits d’initié, ce qui prouve au moins son ardeur au travail. Mais on sait ce qu’est la Justice aux États-Unis, il négocia avec le tribunal, et ne fit que deux ans de prison sur les dix qui lui ont été infligés. Avec cela, quelques dons aux associations charitables et une belle campagne de relations publiques, il s’en est sorti propre comme un sou neuf, et avec une fortune de 2,7 milliards de dollars (en 2007).

Un exemple à suivre.

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