Lamarck turc !

On brûle vraiment d’envie d’admettre la Turquie au sein, comme on dit, de l’Union Européenne. Ainsi, tenez, on célèbre cette année le bicentenaire de la naissance de Charles Darwin, et un magazine turc, « Science et technique », avait prévu de publier sur le sujet seize pages dans le numéro de ce mois et d’y consacrer sa couverture. Bravo, ils sont moins arriérés qu’aux États-Unis !

Oui, mais le vice-président turc du Conseil de la recherche scientifique et technologique, qui édite ce magazine, s’y est opposé ! Normal, non, quand on vice-préside ce type de comité ? Il a donc fait sucrer le sujet, qu’on a remplacé par un dossier sur le réchauffement climatique, lequel ne gêne personne puisque tout le monde a enfourché ce dada. En prime, on a viré la rédactrice en chef. Ils ont un Sarkozy aussi, chez les Turcs ?

En tout cas, ils tiennent là un fameux ministre de tutelle, les scientifiques turcs : certes, il a déploré cet incident, mais il a aussi déclaré que les opinions des scientifiques pouvaient être fausses. Tandis que celles d’un ministre ne peuvent l’être en aucun cas, tout le monde le sait.

Il faut dire que la Turquie est le pays idéal pour les adversaires de Satan. Le créationnisme y a fait son apparition dans les livres scolaires en 1985, et 75 % des étudiants mettent en doute la théorie de l’Évolution. Pour aider les savants du pays, la « Fondation pour la recherche et la science », comme son nom l’indique, est un mouvement musulman anti-darwinien qui semble ne pas manquer d’argent, même si on ne sait pas d’où il vient, et qui organise des conférences et des expositions de fossiles destinées à promouvoir le créationnisme. Son chef est un prédicateur musulman, Haroun Yahya, et il ne fait pas bon s’opposer à lui : l’année dernière, la justice turque a interdit l’accès au site Internet d’un professeur d’Oxford, Richard Dawkins, qui le critiquait en ligne. Yahya ne nous oublie pas, nous autres Français, et, en 2007, il a fait envoyer dans nos établissements scolaires deux mille exemplaires de son ouvrage L’atlas de la création (768 pages, six kilos), qui dénonce « une supercherie de Satan ». Prions, mes frères.